Pour la première fois depuis la fin du conflit armé, la Juridiction spéciale pour la paix (JEP) en Colombie a rendu un verdict historique contre les principaux chefs de l’ex-guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Sept anciens commandants, dont le dernier leader de l’organisation, Rodrigo Londoño, alias Timochenko, ont été reconnus coupables de crimes de guerre pour près de 22 000 enlèvements commis durant plus d’un demi-siècle de conflit.
Une pratique « systématique »
Lors d’une audience tenue à Bogota, un magistrat de la JEP a souligné que les enquêtes « ont montré que l’enlèvement était devenu une pratique systématique », ajoutant que ces crimes « ont non seulement violé la loi, mais ont également laissé des blessures ouvertes qui persistent dans les familles, dans les territoires et dans la vie quotidienne du pays ».
Les juges ont établi que les otages étaient soumis à « des mauvais traitements et humiliations », certains étant forcés de travailler pour la guérilla « gratuitement », un acte qualifié d’« esclavage » par le tribunal. Le cas le plus extrême a concerné un otage resté détenu pendant 14 ans.
Peines alternatives à la prison
Bien que condamnés à la peine maximale prévue par la JEP, les anciens chefs des FARC ne purgeront pas de peine de prison classique. Pendant les huit prochaines années, ils porteront un bracelet électronique, ne pourront pas se déplacer librement et devront participer à des projets d’intérêt général, tels que le déminage ou la reforestation des zones qu’ils contrôlaient autrefois. Ils devront également aider à la recherche des personnes disparues.
Les accusés avaient reconnu leur responsabilité en 2022, mais n’étaient pas présents lors de la lecture du verdict.
Un tribunal au cœur de la justice transitionnelle
Créée par l’accord de paix de 2016, la JEP a pour mission de juger non seulement les anciens guérilleros, mais également les militaires impliqués dans des crimes de guerre. Ce jeudi, le tribunal doit se prononcer sur les affaires de civils exécutés par l’armée et faussement présentés comme des combattants ennemis, les tristement célèbres cas de « faux positifs », pour lesquels l’armée avait présenté ses excuses en 2023.
Débats et critiques persistantes
Ce jugement marque un tournant dans la justice transitionnelle en Colombie. Néanmoins, une partie de la droite colombienne reste sceptique face à cette approche, critiquant la clémence des peines et la lenteur du processus judiciaire. Il aura fallu plus de sept ans à la JEP pour aboutir à cette première condamnation.
Pour les familles des victimes, cette décision représente cependant une reconnaissance historique de leurs souffrances et un pas vers la réconciliation nationale.