Göbekli Tepe : une statue humaine vieille de 12 000 ans pourrait réécrire l’histoire de la civilisation

Une découverte archéologique majeure dans le « berceau » du Néolithique

Les archéologues viennent de mettre au jour à Göbekli Tepe, dans le sud-est de la Turquie, une statue humaine encastrée dans un mur depuis plus de 12 000 ans. Cette découverte, annoncée par le ministre turc de la Culture et du Tourisme Mehmet Nuri Ersoy, pourrait bouleverser notre compréhension des premières sociétés humaines et de l’émergence des croyances collectives.

Göbekli Tepe, situé près de Şanlıurfa, est reconnu comme le plus ancien complexe rituel monumental connu au monde. Datant d’environ 9600 av. J.-C., le site est au cœur du projet Taş Tepeler (« collines de pierre »), qui mobilise 36 institutions scientifiques et plus de 220 chercheurs sur dix sites néolithiques du Croissant fertile.

Un geste rituel vieux de douze millénaires

La statue a été trouvée encastrée horizontalement dans une cavité murale, suggérant un acte délibéré et rituel. Pour le professeur Necmi Karul, directeur des fouilles et enseignant à l’université d’Istanbul, il s’agit probablement d’une offrande votive, liée aux croyances des premières sociétés sédentaires.

Les archéologues ont immédiatement sécurisé l’objet pour des raisons de conservation. Les études de nettoyage, d’analyse et de documentation sont en cours avant toute publication scientifique ou présentation au public.

Une rare représentation humaine dans un site dominé par l’iconographie animale

Depuis le lancement des fouilles dans les années 1990, les chercheurs avaient surtout trouvé des représentations d’animaux : serpents, sangliers, renards ou vautours, interprétés comme des symboles cosmologiques.
La mise au jour d’une figure humaine complète constitue donc un tournant. Selon Mehmet Nuri Ersoy, « ce vestige de Göbekli Tepe est une étape importante dans la compréhension du symbolisme et des rituels du Néolithique ».

L’intégration architecturale de cette statue dans un mur rituel témoigne d’une volonté de lier l’espace construit, la mémoire collective et la représentation humaine. Cela renforce l’hypothèse que l’architecture de Göbekli Tepe n’était pas simplement utilitaire mais porteuse d’un message spirituel.

Une architecture pensée comme un acte rituel

Göbekli Tepe n’est pas un village. Aucun foyer domestique ni tombe n’y a été identifié. Les cercles monumentaux de piliers en calcaire – certains pesant plus de 20 tonnes – semblent exclusivement destinés à des rassemblements religieux.
La statue découverte, intégrée à cette architecture, montre que le bâtiment lui-même était partie prenante du rituel : il matérialisait les mythes, les croyances et les liens sociaux de ces communautés pré-agricoles.

La restauration récente de la « Structure C », achevée en 2025 dans le cadre du projet Geleceğe Miras (« Héritage pour le futur »), a permis de repositionner certains piliers et de consolider les murs avec des techniques inspirées du Néolithique. Cela ouvre la voie à de nouvelles fouilles ciblées qui pourraient révéler d’autres découvertes spectaculaires.

Vers une nouvelle lecture de l’émergence de la civilisation

Cette trouvaille s’inscrit dans un débat plus large sur les origines de la sédentarité. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle l’agriculture aurait entraîné la fixation des populations, Göbekli Tepe suggère l’inverse : les rassemblements rituels auraient précédé – voire causé – l’apparition de l’agriculture.

Pour Necmi Karul, cette découverte confirme l’importance des mythes et des rituels :

« Les liens sociaux, les croyances partagées et les pratiques collectives ont été le ciment des premiers établissements humains fixes. »

Si cette hypothèse se confirme, les impératifs symboliques – et non les contraintes économiques – auraient été le moteur de la première grande transformation des sociétés humaines.

Un site devenu vitrine mondiale de la recherche

L’État turc mise sur cette découverte pour promouvoir le patrimoine national. Après le succès de l’exposition de Rome en 2023, une nouvelle présentation de 96 objets du musée de Şanlıurfa est prévue à Berlin en 2026.
Ainsi, Göbekli Tepe devient un symbole international de la recherche sur les origines de l’humanité, au croisement de la science, de la diplomatie culturelle et de la mémoire collective.

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