Après près de trente ans de privatisation du secteur ferroviaire, le Royaume-Uni opère un tournant majeur. Le gouvernement travailliste, arrivé au pouvoir en juillet dernier, a lancé un vaste plan visant à renationaliser l’ensemble des opérateurs de trains d’ici 2027. Une première étape a été franchie le dimanche 25 mai avec la reprise en main de la South Western Railway, l’un des principaux opérateurs du sud-ouest de l’Angleterre.
La fin d’une ère de privatisation
La décision marque la conclusion de l’expérience de privatisation initiée dans les années 1990 par le Premier ministre conservateur John Major, dans la continuité des politiques libérales de Margaret Thatcher. À l’époque, Londres promettait un service plus performant et moins coûteux pour l’État grâce à l’investissement privé.
Si le nombre de passagers a fortement augmenté depuis cette réforme, la promesse d’un service amélioré n’a pas été tenue selon le gouvernement. Les usagers dénoncent depuis plusieurs années des prix élevés, des retards fréquents et des annulations massives : en 2025, 4 % des trains britanniques ont été annulés.
Une stratégie par étapes
Le réseau ferroviaire (les rails) est déjà redevenu public au fil des années, avec quatre gestionnaires d’infrastructures sur quatorze repassés sous contrôle de l’État en raison de leurs contre-performances.
Désormais, le gouvernement vise les opérateurs de trains eux-mêmes. Plutôt que de racheter leurs contrats, l’exécutif attend leur expiration, ce qui lui permet d’éviter des compensations financières importantes.
Deux autres compagnies – C2C et Greater Anglia – seront renationalisées d’ici octobre 2025. Toutes les entreprises ainsi reprises seront progressivement intégrées dans un pôle public unifié baptisé « Great British Railways », destiné à coordonner l’ensemble du réseau.
Un pari coûteux pour les finances publiques
Ce programme ambitieux représente un effort budgétaire conséquent, dans un contexte où les finances britanniques sont déjà sous pression. Mais le gouvernement travailliste défend cette politique comme un investissement stratégique pour améliorer la fiabilité du service, réduire les prix pour les usagers et répondre aux critiques récurrentes sur l’état du réseau.
Un contraste avec la France
Cette décision intervient alors qu’en France, la tendance est inverse. La SNCF fait face à une ouverture progressive à la concurrence : la compagnie italienne Trenitalia va inaugurer mi-juin une nouvelle ligne Paris–Marseille, et annonce vouloir prochainement s’attaquer aux liaisons Paris–Londres.
Ainsi, alors que le continent européen s’ouvre à la concurrence ferroviaire, le Royaume-Uni choisit de revenir à un modèle entièrement public, espérant renouer avec un service plus fiable et répondre à la grogne de millions d’usagers.