Reconnaissance de l’État palestinien à l’ONU : entre adhésions occidentales et prudence asiatique

La 80ᵉ Assemblée générale de l’ONU marque un tournant diplomatique : plusieurs pays occidentaux, dont la France, le Royaume-Uni et le Canada, ont annoncé la reconnaissance officielle de l’État palestinien. Mais ce geste symbolique, salué par de nombreux dirigeants et associations, n’est pas suivi par deux acteurs majeurs d’Asie de l’Est : le Japon et la Corée du Sud.

Tokyo et Séoul choisissent la prudence

Malgré les appels pressants de Paris et de Londres, Tokyo et Séoul se sont abstenus de reconnaître la Palestine. Les deux pays réaffirment leur soutien à une solution à deux États, mais préfèrent attendre des négociations directes entre Israéliens et Palestiniens.

Selon l’agence Kyodo, Washington a joué un rôle clé dans cette position : les États-Unis ont averti le Japon qu’une reconnaissance unilatérale pourrait affecter les relations bilatérales, alors que 52 000 soldats américains sont stationnés sur l’archipel et 28 500 en Corée du Sud. « Dire que nous décidons en fonction des États-Unis est réducteur, mais une communication étroite avec eux est essentielle », a déclaré le ministre japonais des Affaires étrangères Takeshi Iwaya le 16 septembre.

Les pressions diplomatiques n’ont pas suffi : le ministre français Jean-Noël Barrot a tenté, sans succès, de convaincre son homologue nippon. Même une pétition signée par 206 parlementaires japonais, portée par l’opposition, n’a pas fait fléchir le gouvernement. En Corée du Sud, le ministre Cho Hyun a réaffirmé son soutien à un cessez-le-feu à Gaza tout en restant sur une ligne prudente.

Pour Hideaki Shinoda, professeur à l’université de Tokyo, cette retenue s’explique par un « double équilibre stratégique » : la dépendance militaire vis-à-vis de Washington et la dépendance énergétique vis-à-vis du monde arabe. « Une reconnaissance prématurée pourrait durcir la position israélienne et compliquer les négociations de paix », analyse-t-il.

À New York, le Premier ministre japonais Shigeru Ishiba condamnera les opérations israéliennes à Gaza et appellera à un désarmement du Hamas, tandis que le président sud-coréen Lee Jae-myung insistera sur la contribution de Séoul à la paix mondiale, sans remettre en cause son alignement stratégique sur Washington.

Mobilisation massive en Italie contre la position de Meloni

Alors que le drapeau palestinien flottera dans plusieurs capitales occidentales, la situation en Italie est plus tendue. Le gouvernement de Giorgia Meloni refuse pour l’instant de reconnaître l’État palestinien, ce qui a déclenché une journée de mobilisation massive le 22 septembre.

Sous le slogan « Contre le génocide, bloquons tout ! », des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Rome, Milan, Turin, Naples et Palerme. À Rome, plus de 20 000 personnes se sont rassemblées devant la gare Termini en criant « Palestine libre ! ».

Des affrontements ont éclaté à Milan, où des manifestants ont jeté des projectiles sur la police près de la gare centrale, avant d’être dispersés par des gaz lacrymogènes. À Bologne, une autoroute a été brièvement bloquée. Dans plusieurs ports, dont ceux de Gênes et Livourne, des dockers ont interrompu le trafic maritime en solidarité avec Gaza.

Selon un sondage de l’institut Only Numbers, 40,6 % des Italiens se disent favorables à une reconnaissance de l’État palestinien, tandis que près de 64 % jugent la situation humanitaire à Gaza « extrêmement grave ».

Une reconnaissance qui divise la scène internationale

La décision de la France, du Royaume-Uni, du Canada et d’autres pays occidentaux est perçue comme un pas symbolique vers la paix, mais suscite de vives critiques d’Israël et de Washington. La porte-parole adjointe du département d’État américain, Mignon Houston, a qualifié cette reconnaissance de « contre-productive » et a salué la retenue de Tokyo et Séoul.

De son côté, le ministre israélien Gideon Saar a dénoncé les pays qui reconnaissent la Palestine « après les attaques du 7 octobre 2023 », remerciant le Japon pour sa « décision responsable ».

Alors que les débats se poursuivent à New York, cette reconnaissance partielle révèle une fracture géopolitique entre les pays occidentaux qui veulent accélérer le processus de paix et ceux qui privilégient une approche diplomatique graduelle, en accord avec la stratégie américaine.

Laisser un commentaire