Les prisons équatoriennes sont de nouveau le théâtre d’une violence extrême. En trois jours, plus de trente détenus ont été tués dans des affrontements sanglants entre gangs rivaux à Machala et Esmeraldas, deux centres pénitentiaires en surpopulation chronique.
Une spirale de violence qui s’intensifie
L’Équateur, déjà frappé par une vague de criminalité sans précédent, connaît une nouvelle explosion de violence dans ses prisons. Trois jours après un premier bain de sang à Machala, où 14 personnes ont trouvé la mort, une autre mutinerie a éclaté jeudi 25 septembre 2025 dans la prison d’Esmeraldas, faisant au moins 17 morts.
Les deux affrontements, survenus dans des établissements déjà en état de tension permanente, portent le bilan à plus de trente victimes en moins d’une semaine, selon les autorités pénitentiaires.
Machala : l’étincelle qui a ravivé les tensions
La première série d’affrontements a eu lieu dans la prison de Machala, proche de la frontière avec le Pérou, dans la nuit de lundi à mardi.
D’après le colonel William Calle, les combats ont éclaté peu après 2 heures du matin. Pendant près de 40 minutes, des coups de feu et des explosions ont retenti à l’intérieur de l’établissement.
Bilan officiel :
• 14 morts, dont 13 détenus et 1 gardien de prison.
• 14 blessés.
• Plusieurs évasions, dont 13 prisonniers rapidement rattrapés par la police.
Des armes à feu, des explosifs artisanaux et des grenades ont été utilisés. La prison, prévue pour 600 personnes mais accueillant près du double, est rapidement passée sous contrôle de la police et de l’armée.
Esmeraldas : un carnage filmé et diffusé sur les réseaux sociaux
Jeudi matin, l’horreur s’est répétée dans le centre pénitentiaire d’Esmeraldas, au nord-ouest du pays, près de la frontière avec la Colombie.
Selon l’Autorité pénitentiaire (SNAI), les affrontements ont causé 17 morts parmi les détenus. Un premier bilan faisait état d’une dizaine de victimes, mais celui-ci a été révisé à la hausse après la sécurisation du site.
Des images diffusées sur les réseaux sociaux et authentifiées par l’AFP montrent :
• Des corps alignés au sol, torse nu, couverts de sang.
• Des scènes de torture avant exécution.
• Plusieurs prisonniers décapités.
La prison d’Esmeraldas, comme beaucoup d’autres, est surpeuplée : en 2022, elle hébergeait plus de 1 400 détenus pour une capacité théorique de 1 100.
Familles en détresse et climat de peur
Dès l’aube, des dizaines de proches se sont rassemblés devant la prison d’Esmeraldas. Les visages sont marqués par l’angoisse, les cris et les prières se mêlent au silence pesant de l’attente.
« Les militaires nous ont dit d’aller à la morgue pour vérifier si nos proches sont encore en vie », témoigne une femme, sous couvert d’anonymat.
Les autorités ont déployé un important cordon policier et militaire autour de la prison pour empêcher toute intrusion ou nouvelle évasion.
Les gangs en guerre : Los Choneros contre Los Lobos
Selon le colonel Calle, les affrontements opposent principalement Los Choneros et Los Lobos, deux puissantes organisations criminelles qui se disputent le contrôle du trafic de drogue et des extorsions depuis plusieurs années.
Ces deux groupes font partie des plus de vingt organisations que le gouvernement a désignées comme « terroristes » dans le cadre de la guerre interne déclarée par le président Daniel Noboa en 2024.
Depuis 2021, plus de 500 détenus ont été tués dans les prisons équatoriennes lors de conflits similaires, certains massacres étant même retransmis en direct sur les réseaux sociaux.
Une crise sécuritaire nationale
L’Équateur traverse une crise sécuritaire profonde. L’explosion de la violence est liée à sa position géographique et économique :
• Ports stratégiques sur le Pacifique, utilisés pour exporter la cocaïne produite en Colombie et au Pérou.
• Économie dollarisée, qui facilite les transactions liées au narcotrafic.
• Système carcéral surchargé, devenu un centre d’opérations pour les cartels.
Les autorités peinent à reprendre le contrôle. Malgré la militarisation des prisons depuis 2024, les gangs conservent une grande influence derrière les barreaux.
Réactions officielles et inquiétudes internationales
Le gouvernement de Daniel Noboa a convoqué une réunion de crise pour évaluer la situation. Des renforts militaires ont été envoyés dans plusieurs prisons pour prévenir de nouvelles émeutes.
Des ONG de défense des droits humains dénoncent des conditions de détention inhumaines et alertent sur le risque d’une escalade encore plus meurtrière si aucune réforme structurelle n’est mise en place.
L’ONU et plusieurs pays voisins suivent de près l’évolution de la situation, craignant que l’Équateur ne bascule dans une spirale incontrôlable de violence.
Une répétition tragique
Le pays a déjà connu le pire massacre carcéral de son histoire en 2021, lorsque plus de 100 détenus avaient été tués à Guayaquil. Les récents affrontements ravivent le spectre d’un nouvel épisode d’horreur.
Pour de nombreux Équatoriens, la question n’est plus de savoir si de nouvelles violences éclateront, mais quand.