Un avis juridique commandé par la Campagne pour le désarmement nucléaire (CND) affirme que l’achat de 12 chasseurs F-35A, annoncé en juin pour plus d’un milliard de livres, violerait les obligations du Royaume-Uni au titre du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP). Londres est accusé de se réarmer nucléairment sans débat public.
Un achat d’un milliard de livres au cœur de la polémique
Le gouvernement britannique, dirigé par le Parti travailliste, a confirmé en juin dernier l’acquisition de 12 avions de combat F-35A pour un montant estimé à 1,1 milliard d’euros. Cette décision a immédiatement attiré l’attention de la Campagne pour le désarmement nucléaire (CND), qui a commandé un avis juridique indépendant à deux expertes de la London School of Economics : la professeure Christine Chinkin et la chercheuse Louise Arimatsu.
Dans leur analyse, révélée par The Guardian ce vendredi, elles estiment que cette commande pourrait constituer une violation du TNP, traité signé en 1968 par le Royaume-Uni et 190 autres pays, qui oblige ses signataires à œuvrer à la réduction des arsenaux nucléaires et au désarmement général.
Un « rôle nucléaire » retrouvé depuis 1998
Selon l’avis juridique, la spécificité de ce contrat réside dans le choix du modèle F-35A, seul de sa catégorie capable de transporter à la fois des armes conventionnelles et des bombes nucléaires. Cette capacité conférerait à l’armée britannique un rôle nucléaire pour la première fois depuis 1998, date à laquelle Londres avait mis fin à l’emploi d’avions comme vecteurs d’armes atomiques.
Pour le CND, cette décision va à l’encontre de l’esprit du TNP, qui demande aux États de poursuivre de bonne foi des négociations pour mettre un terme à la course aux armements nucléaires.
Des critiques sur la transparence et le débat démocratique
Sophie Bolt, secrétaire générale du CND, a dénoncé ce qu’elle considère comme une « nouvelle violation du droit international » et une décision prise « sans débat ni examen parlementaire ». Elle a exhorté les députés britanniques à ouvrir une discussion sur la stratégie nucléaire du pays et les conséquences d’un tel réarmement.
Réponse du gouvernement et position de l’Otan
Interrogé sur ces accusations, le ministère de la Défense britannique a défendu la commande, affirmant que l’investissement vise à renforcer la sécurité nationale. Un porte-parole a assuré que le Royaume-Uni « reste attaché à l’objectif d’un monde sans armes nucléaires » et « respecte toutes ses obligations au titre du TNP ».
Lors du sommet de l’Otan en juin, le Premier ministre Keir Starmer avait assumé publiquement la volonté de participer à la mission nucléaire de l’Alliance. Il avait confirmé que les bombes nucléaires américaines B61-12 seraient mises à la disposition des avions britanniques en cas de conflit majeur, renforçant ainsi l’intégration de Londres dans la stratégie de dissuasion collective.
Un dossier sensible pour la diplomatie internationale
Cette polémique intervient dans un contexte de tensions nucléaires croissantes entre grandes puissances et de remise en question des régimes de contrôle des armements. Si l’avis juridique venait à être confirmé par d’autres experts ou contesté devant les instances internationales, le Royaume-Uni pourrait être confronté à une pression diplomatique accrue pour justifier son choix.
Le débat devrait également raviver les tensions politiques internes sur la modernisation de la dissuasion nucléaire, sujet historiquement controversé au sein du Parti travailliste et dans l’opinion publique britannique.