Cuba a annoncé vendredi le décès d’Assata Shakur, de son vrai nom Joanne Deborah Byron, militante révolutionnaire noire états-unienne, figure des luttes radicales des années 1970 et recherchée par le FBI depuis plus de quarante ans. Elle s’est éteinte le 25 septembre 2025 à La Havane, à l’âge de 78 ans, « des suites de problèmes de santé et de son âge avancé », selon un communiqué du ministère cubain des Affaires étrangères.
Une vie militante marquée par la contestation
Née en 1947 à New York, Joanne Deborah Byron, également connue sous le nom de Joanne Chesimard, avait rejoint dans les années soixante-dix le Black Panther Party puis l’Armée de libération des Noirs, deux organisations militantes dénonçant le racisme institutionnel et les violences policières aux États-Unis.
Tante du rappeur Tupac Shakur, assassiné à Las Vegas en 1996, Assata Shakur s’était rapidement imposée comme une voix influente de la lutte afro-états-unienne. Elle se définissait elle-même comme une « militante politique depuis presque toujours », refusant l’étiquette de criminelle que les autorités états-uniennes ont voulu lui imposer.
La fusillade du New Jersey et un procès contesté
Le 2 mai 1973, elle fut grièvement blessée et arrêtée après une fusillade dans le New Jersey, au cours de laquelle un policier perdit la vie. Bien qu’aucune preuve n’ait établi qu’elle était armée, elle fut accusée d’assassinat. En 1977, un jury exclusivement blanc la condamna à la prison à perpétuité à l’issue d’un procès que ses soutiens ont toujours qualifié d’injuste et biaisé, en raison notamment des méthodes controversées du FBI dans le cadre de son programme COINTELPRO visant à neutraliser les mouvements contestataires noirs.
« Bien que le gouvernement états-unien ait tout fait pour me classer comme criminelle, je ne suis pas une criminelle et je ne l’ai jamais été », écrivait-elle plus tard.
Évasion et exil à Cuba
Incarcérée dans des conditions dénoncées comme inhumaines, Assata Shakur parvint à s’évader en 1979 d’une prison de haute sécurité. Après plusieurs années de clandestinité, elle trouva refuge à Cuba en 1984, où les autorités lui accordèrent l’asile politique.
Dans une lettre ouverte publiée en 2014, elle déclarait :
« Je m’appelle Assata Shakur et je suis une esclave en fuite au XXᵉ siècle. Persécutée par le gouvernement, je n’ai eu d’autre choix que de fuir la répression politique, le racisme et la violence qui dominent la politique du gouvernement états-unien envers les Noirs. Je suis prisonnière politique et je vis en exil à Cuba depuis 1984. »
Harcèlement judiciaire et statut de « terroriste »
La militante fut la cible d’un harcèlement judiciaire permanent. Outre l’accusation de meurtre, elle fut inculpée pour enlèvement, braquage et attaques armées, sans que les preuves soient convaincantes selon ses défenseurs.
En 2005, le FBI la classa comme « terroriste intérieure » et offrit une récompense d’un million de dollars pour toute aide à sa capture. En 2013, elle devint la première femme inscrite sur la liste des « terroristes les plus recherchés » par les États-Unis. À l’époque, l’actuel secrétaire d’État états-unien Marco Rubio dénonçait le « régime cubain » pour avoir offert refuge à des fugitifs.
Malgré les demandes récurrentes d’extradition formulées par plusieurs administrations états-uniennes, La Havane a toujours opposé un refus catégorique.
Un héritage controversé
À Cuba, Assata Shakur est célébrée comme une figure de la résistance. Le quotidien officiel Granma lui a rendu hommage en ces termes :
« Se souvenir d’elle, c’est se souvenir d’une vie remplie d’impatience combative, d’une mémoire vivante de résistance et d’une militante dévouée à la lutte, malgré les persécutions que les gouvernements des États-Unis ont exercées contre elle et ses camarades. »
Aux États-Unis, son parcours continue de diviser : pour les uns, elle incarne une fugitive dangereuse et une terroriste ; pour les autres, elle demeure un symbole de lutte contre l’oppression raciale et politique.
Une vie marquée par la lutte
De son engagement au sein des Black Panthers, à son combat pour la reconnaissance des droits des Afro-États-uniens, jusqu’à son exil cubain, la vie d’Assata Shakur reste celle d’une militante insoumise, entre héroïsation et criminalisation.
Sa mort met un terme à plus de quarante ans d’exil, mais son héritage politique et symbolique continue d’alimenter les débats sur les fractures raciales, sociales et judiciaires aux États-Unis.