Depuis samedi, le Maroc est secoué par une vague de manifestations inédites menées par le collectif GenZ 212, né sur les réseaux sociaux. Initialement pacifiques, ces rassemblements ont dégénéré dans plusieurs villes lundi soir, laissant apparaître un mouvement générationnel qui dénonce la corruption, les inégalités et la crise des services publics.
Une mobilisation inédite de la jeunesse
À Rabat, Marrakech, Oujda ou encore Agadir, des milliers de jeunes – principalement issus de la génération Z – se sont rassemblés, poings levés et slogans scandés, pour demander plus de justice sociale. Les réseaux sociaux, notamment Discord, Telegram et TikTok, ont servi de catalyseurs à cette mobilisation.
Le collectif GenZ 212 – qui revendique aujourd’hui plus de 120 000 membres – s’affiche comme le porte-voix d’une jeunesse frustrée par l’absence de perspectives. Son mot d’ordre : « dignité et droits légitimes pour chaque citoyen ».
« Personne ne sait vraiment qui sont ses fondateurs. Ce qui est sûr, c’est que ce mouvement est né de manière spontanée et qu’il exprime un ras-le-bol profond », explique Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat.
Les priorités du gouvernement pointées du doigt
Au cœur de la contestation : les choix budgétaires de l’exécutif. Alors que des milliards de dirhams sont investis dans la rénovation et la construction de stades pour la CAN 2025 et le Mondial 2030, les hôpitaux et écoles publiques manquent de moyens.
Le drame survenu récemment à l’hôpital d’Agadir – où huit femmes enceintes sont mortes faute de soins adaptés – a servi de déclencheur. « Ce parallèle a choqué beaucoup de jeunes : l’État dépense des milliards dans les stades, mais n’assure pas les services de base », poursuit Mehdi Alioua.
En 2024, le chômage atteignait 13,3 %, mais monte à 36,7 % chez les jeunes de 15 à 24 ans. Pour beaucoup, même les diplômes n’offrent plus de perspectives de vie digne.
Des slogans contre la corruption et les inégalités
« Le peuple veut mettre fin à la corruption ! », scandaient les manifestants dans une vidéo vue plus de six millions de fois sur TikTok. Au-delà des infrastructures, c’est l’absence de transparence et la dégradation des services publics qui alimentent la colère.
« Les restrictions récentes sur la capacité des associations à signaler les détournements de fonds publics fragilisent la confiance citoyenne », souligne Driss Sedraoui, président de la Ligue marocaine de la citoyenneté et des droits de l’Homme.
Heurts et répression
Si le collectif insiste sur le caractère pacifique de ses actions, les manifestations ont pris une tournure plus violente dans certaines villes. Des affrontements ont éclaté mardi à Inzegane, Beni Mellal et Oujda, avec des scènes de jets de pierres, de mobilier urbain incendié et d’affrontements avec les forces de l’ordre.
Plusieurs centaines de personnes ont été interpellées, dont des mineurs. Un premier procès impliquant 37 personnes doit s’ouvrir le 7 octobre.
Face à la colère, le gouvernement a réagi en limogeant le directeur de l’hôpital d’Agadir. Mais ces mesures peinent à calmer une jeunesse qui se sent délaissée.
Un mouvement appelé à durer ?
GenZ 212 rappelle, pour de nombreux observateurs, les mobilisations du mouvement du 20 février en 2011 ou les récentes crises étudiantes. Mais sa force réside dans son organisation numérique horizontale, inspirée de mouvements de jeunesse en Asie ou à Madagascar.
« Certainement, il y aura un avant et un après. Même si cette mobilisation s’essouffle, la gronde ne cessera pas. Les slogans scandés ont trouvé un écho profond chez beaucoup de Marocains », conclut Mehdi Alioua.
À l’approche d’échéances majeures comme la CAN 2025 et le Mondial 2030, mais aussi des élections législatives de 2026, la contestation des jeunes de GenZ 212 apparaît comme un signal d’alarme : une génération réclame désormais haut et fort justice sociale, transparence et dignité.