Dans le sud du Maroc, deuil et consternation après la mort d’un étudiant en marge de violences

Comme beaucoup de Marocains, Abdelkabir Oubella suivait avec attention les manifestations sociales, en grande partie pacifiques, qui secouent le pays. En visionnant une vidéo montrant des scènes de violence en marge de l’une d’entre elles, il était loin d’imaginer que son propre fils y avait perdu la vie.(Source : AFP).

Abdessamad Oubella, un étudiant en cinéma de 25 ans, a été tué dans la nuit de mercredi à jeudi à Lqliaâ, près d’Agadir, dans le sud du Maroc. Deux autres personnes ont aussi été abattues par les gendarmes.

Les autorités locales affirment qu’un groupe tentait de prendre d’assaut la gendarmerie « pour voler des munitions et armes de service »

« Je suis tombé sur une vidéo où il y avait mon fils, et moi je ne le savais pas », raconte à l’AFP Abdelkabir Oubella.

Entouré des hommes de son douar (village) d’Adouz Oussaoud, tout près de Lqliaâ, le travailleur journalier de 51 ans vient d’enterrer son fils dans un cercueil en contreplaqué.

« Nous n’imaginions pas que ça puisse arriver », dit à l’AFP Ayoub, le frère d’Abdessamad.

Ce soir-là, les images de vidéosurveillance diffusées par les autorités montrent des jeunes cagoulés munis de barres de fer et de pavés tentant d’arracher une porte.

Les gendarmes font usage de gaz lacrymogène pour les disperser, mais les assaillants reviennent et mettent le feu à des bennes à ordures et des pneus à l’entrée du bâtiment, d’après les mêmes images.

« Mon frère (…) était là-bas pour documenter » les événements, affirme Ayoub Oubella. « Il n’a pas ramassé de pierre (…), il n’a pas pris part aux troubles », assure-t-il.

D’après leur père, Abdessamad a été atteint par une balle à la tête.

Une « seule voix »

Depuis le 27 septembre, des manifestations de jeunes exigeant des réformes dans les secteurs de la santé et de l’éducation ont pris de court le Maroc.

Inédites par leur spontanéité, elles sont nées des protestations qui ont suivi la mort de huit femmes enceintes admises pour des césariennes à l’hôpital public d’Agadir. Les manifestations se déroulent tous les jours à l’appel d’un collectif récemment créé sur la plateforme Discord, « GenZ 212 ».

Le collectif rappelle régulièrement qu’il n’appelle qu’à des manifestations non violentes. Dimanche, il a exhorté ses membres à parler d’une « seule voix » pour un « comportement pacifique et responsable ». Et appelé à nouveau à manifester le jour même dans 22 villes marocaines, de 18H00 à 21H00 locales.

Le douar d’Adouz Oussaoud et Lqliaâ se trouvent dans une importante région agricole du Maroc, où l’on cultive notamment les tomates. Les conditions de vie y sont modestes et beaucoup d’habitants sont des travailleurs journaliers.

A Adouz Oussaoud, un mur a été recouvert d’une grande fresque: « Don’t open, dead inside » (Ne pas ouvrir, morts à l’intérieur). Une apparente référence à la série de zombies « The Walking Dead ».

Chez les habitants, tristesse et consternation dominent après les violences.

Ceux interrogés par l’AFP disent appuyer les appels à des réformes dans la santé et l’éducation, deux secteurs qui reflètent l’ampleur des inégalités au Maroc, tout en condamnant les troubles.

« Les services de santé et d’éducation ici ne sont pas à la hauteur de la densité de la population. Une grande population a besoin de renfort dans les deux secteurs », affirme Hassan Garir, 39 ans, un habitant de Lqliaâ.

Mais « quand j’ai vu ce qu’il se passe sur les réseaux sociaux, je n’ai pas pu fermer l’oeil cette nuit-là. C’est malheureux », dit-il. « Ce qu’ont fait ces fauteurs de troubles n’a rien à voir avec le fait d’exprimer des revendications ».

Le père d’Abdessamad le dit aussi: « Nous sommes contre le vandalisme et l’ignorance ».

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