Italie : une bombe explose sous la voiture du journaliste d’investigation Sigfrido Ranucci

Une bombe artisanale a explosé dans la nuit de jeudi à vendredi, sous la voiture du journaliste italien Sigfrido Ranucci, figure emblématique du journalisme d’investigation en Italie et présentateur de l’émission Report sur la télévision publique RAI 3. L’explosion, survenue à une vingtaine de kilomètres au sud de Rome, n’a fait aucune victime, mais a provoqué d’importants dégâts matériels, a annoncé la RAI ce vendredi 17 octobre.

Une explosion d’une puissance « meurtrière »

Selon le communiqué publié sur le réseau X par l’équipe de l’émission Report, la déflagration a détruit complètement le véhicule de Ranucci et endommagé la voiture de sa fille ainsi que la façade de leur domicile.

« La puissance de l’explosion a été telle qu’elle aurait pu tuer si quelqu’un était passé à ce moment-là », a précisé l’émission, indiquant qu’une enquête judiciaire a été ouverte.

Le parquet anti-mafia de Rome s’est saisi de l’affaire, tandis que le ministre de l’Intérieur, Matteo Piantedosi, a ordonné de renforcer la protection policière du journaliste.

« J’ai donné l’ordre de renforcer au maximum toutes les mesures concernant sa sécurité. La police fera le maximum pour identifier rapidement les auteurs », a-t-il écrit sur X.

Un « grave acte d’intimidation » condamné par le gouvernement

Cette attaque a immédiatement suscité une vague d’indignation dans la classe politique italienne.
La Première ministre Giorgia Meloni a exprimé sa « pleine solidarité » au journaliste et condamné fermement « le grave acte d’intimidation » dont il a été victime.

« La liberté et l’indépendance de l’information sont des valeurs fondamentales de notre démocratie auxquelles nous ne renoncerons jamais », a-t-elle affirmé dans un communiqué.

Un journaliste en première ligne contre la corruption et la mafia

Âgé de 64 ans, Sigfrido Ranucci travaille pour la RAI depuis 1989. Reporter aguerri, il a couvert les conflits des Balkans en 1999 et les attentats du 11 septembre 2001 à New York.
Depuis 2017, il dirige Report, l’une des dernières grandes émissions d’enquête du paysage audiovisuel italien, succédant à sa fondatrice Milena Gabanelli.

Ranucci s’est fait connaître pour ses enquêtes sur la mafia, la corruption politique et le trafic illégal de déchets. En 2021, il avait confié à la télévision qu’un ancien détenu lui avait révélé qu’un ordre d’assassinat à son encontre avait été donné par des chefs mafieux, avant d’être annulé.

L’équipe de Report a réagi sur son site officiel :

« Sigfrido Ranucci et notre équipe sont une fois encore en première ligne, avec des enquêtes approfondies sur la politique, l’économie et la société italienne. Nous ne céderons pas face à la peur. »

Une liberté de la presse sous tension en Italie

L’attaque contre Ranucci ravive les inquiétudes sur la sécurité des journalistes d’investigation dans le pays. Selon le classement 2025 de Reporters sans frontières (RSF), l’Italie n’occupe que la 49e place mondiale en matière de liberté de la presse.

RSF rappelle que les journalistes enquêtant sur le crime organisé sont régulièrement menacés, agressés ou visés par des incendies criminels. Environ vingt d’entre eux vivent sous protection policière permanente.

Une carrière marquée par le courage

Quelques jours avant l’attentat, Sigfrido Ranucci avait présenté la nouvelle saison de son émission, prévue pour le dimanche 26 octobre, promettant des enquêtes sur la culture, les financements publics, l’éducation et les banques.

Malgré la peur, le journaliste a toujours revendiqué son engagement pour une information libre et indépendante. Son entourage espère désormais que la tentative d’intimidation dont il a été victime renforcera la mobilisation pour la protection des journalistes en Italie — et rappellera que, dans certains pays européens, dire la vérité peut encore coûter la vie.

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