Les autorités américaines ont porté un coup spectaculaire à la cybercriminalité asiatique. Le 14 octobre 2025, le Département de la Justice (DOJ) a annoncé l’inculpation de Chen Zhi, magnat chinois naturalisé cambodgien et fondateur du Prince Group, pour fraude électronique et blanchiment d’argent à grande échelle.
L’opération a également conduit à la saisie record de 127 271 bitcoins, soit environ 15 milliards de dollars, détenus par Chen Zhi et ses associés. Il s’agit de la plus importante confiscation de cryptomonnaie de l’histoire.
Chen Zhi, l’oligarque devenu criminel
Arrivé de Chine en 2010, Chen Zhi, 40 ans, s’est imposé comme l’un des hommes les plus puissants du Cambodge. À la tête du Prince Holding Group, il contrôlait une banque, une compagnie aérienne, et plusieurs tours luxueuses à Phnom Penh. Son groupe, présenté comme le premier conglomérat du pays, symbolisait la réussite économique du royaume.
Proche de l’ancien Premier ministre Hun Sen, puis de son fils Hun Manet, au pouvoir depuis 2023, Chen Zhi avait su s’imposer comme un conseiller influent du régime. Mais derrière cette façade d’homme d’affaires respecté se cachait, selon Washington, le cerveau d’un vaste réseau de cyberfraude transnationale.
Des “escroqueries à échelle industrielle”
Les procureurs américains décrivent un système d’arnaques massives connu sous le nom de « pig butchering », littéralement « abattage du cochon ».
Le principe : piéger des victimes, souvent via des sites de rencontre ou des réseaux sociaux, pour les convaincre d’investir dans de fausses plateformes de cryptomonnaie.
Une fois la confiance établie, les escrocs faisaient disparaître les fonds — générant, selon les enquêteurs, plusieurs milliards de dollars de profits illégaux.
Esclavage numérique et torture
Le DOJ révèle également un trafic d’êtres humains derrière ces opérations.
Dix complexes sécurisés au Cambodge, appartenant au Prince Group, abritaient des milliers de travailleurs forcés, recrutés sous de fausses promesses d’emploi.
Ces victimes, souvent originaires d’Asie du Sud-Est, étaient enfermées, privées de leurs passeports, et battues ou torturées si elles refusaient de participer aux arnaques.
Les enquêteurs parlent de véritables « camps de travail numériques », où la cybercriminalité était organisée comme une industrie.
Une opération historique du DOJ
Grâce à la collaboration du National Security Division, du Trésor américain (OFAC) et d’Europol, les autorités ont pu tracer les flux cryptographiques issus des scams.
Les 127 271 bitcoins saisis, répartis dans plusieurs portefeuilles auto-gérés, font désormais partie des réserves officielles américaines, évaluées à 324 000 BTC (soit près de 36 milliards de dollars).
Plus de 146 entités liées au Prince Group ont été sanctionnées, et les biens de Chen Zhi – dont plusieurs yachts, propriétés de luxe et un tableau de Picasso – ont été gelés.
Chen Zhi reste pour l’instant en fuite, visé par un mandat d’arrêt fédéral.
Impact sur le marché des cryptomonnaies
L’opération a provoqué un séisme sur le marché crypto.
Si le Bitcoin reste stable autour de 112 500 $, la DeFi (finance décentralisée) voit son image renforcée par la traçabilité accrue des transactions.
Les ETF crypto attirent désormais plus de 25 milliards de dollars d’investissements, et la capitalisation totale du marché reste proche des 3 800 milliards de dollars.
Mais cette affaire met aussi en lumière les risques persistants : selon le DOJ, 80 % des altcoins pourraient subir une correction majeure, et la volatilité du marché menace toujours les investisseurs individuels.
Un signal fort pour la régulation mondiale
Pour Washington, cette opération marque un tournant dans la lutte contre la cybercriminalité et la fraude crypto.
Les États-Unis appellent à une coopération internationale renforcée, tandis qu’Europol prépare la création d’équipes d’intervention crypto (JIT).
Des pays comme la France ou le Royaume-Uni renforcent déjà leurs dispositifs de traçage et de KYC (vérification d’identité).
Cependant, les experts estiment que les fraudes pourraient encore augmenter de 20 % en 2026 sans régulation plus stricte. Le darknet, les mixers de cryptomonnaies et les forums de recrutement criminel compliquent encore les enquêtes.
La chute d’un symbole et l’avenir de la cybersécurité
L’effondrement de l’empire de Chen Zhi, autrefois vanté comme un moteur de modernisation du Cambodge, révèle la fusion inquiétante entre économie, politique et crime organisé dans certaines régions d’Asie du Sud-Est.
En frappant fort, les États-Unis espèrent dissuader d’autres réseaux similaires et protéger la crédibilité du secteur crypto.
Octobre 2025 restera comme une date charnière : celle où Washington a mis à nu le plus vaste réseau de cyberfraude de l’histoire, mêlant arnaques sentimentales, esclavage numérique et blanchiment de milliards de dollars.