Une nouvelle polémique secoue les relations entre Washington, Rome et Bruxelles. Le président américain Donald Trump a partagé sur sa plateforme Truth Social une vidéo présentée comme une annonce officielle de la Première ministre italienne Giorgia Meloni, affirmant que l’Italie aurait décidé de conclure un accord commercial direct avec les États-Unis, en défiance des règles de l’Union européenne. Problème : la vidéo en question est fausse et semble avoir été générée à l’aide de l’intelligence artificielle.

Une vidéo virale au cœur d’une tempête politique

Le 19 octobre, Donald Trump a partagé un lien vers un post sur X (ancien Twitter), accompagné d’un message indiquant que Giorgia Meloni aurait « défié l’UE ». Dans la vidéo, une voix féminine déclare :

« Dans un geste politique stupéfiant, Giorgia Meloni a annoncé que l’Italie ignorerait les règles commerciales de l’UE et conclurait un accord direct avec le gouvernement de Donald Trump, rompant ainsi les rangs avec Bruxelles. »

Le narrateur poursuit en affirmant que, « après une réunion privée avec Donald Trump, la cheffe du gouvernement italien a déclaré qu’elle ferait ce qu’il y a de mieux pour l’Italie, et non pour l’UE », ajoutant que « Trump lui aurait assuré que les États-Unis et l’Italie parviendraient à un accord à 100 % ».

La vidéo prétend également que Meloni aurait décidé de réduire le soutien de l’Italie à l’Ukraine, tout en rapportant que Trump aurait salué son « leadership exceptionnel ».

Des politiciens italiens inquiets, une vidéo douteuse

Ces affirmations ont provoqué de vives réactions en Italie. Le sénateur Francesco Boccia (Parti démocrate) et la députée écologiste Luana Zanella ont tous deux appelé la Première ministre à démentir publiquement les propos contenus dans la vidéo.

Cependant, une analyse rapide révèle plusieurs indices d’inauthenticité : la voix semble générée par l’IA, certaines erreurs d’orthographe apparaissent dans le nom de Meloni, et la vidéo contient un filigrane TikTok indiquant son auteur initial. L’utilisateur en question est connu pour publier régulièrement des contenus trompeurs imitant des reportages d’actualité.

Aucune base réelle pour un accord commercial

Aucune preuve ne permet de confirmer que Giorgia Meloni chercherait à conclure un accord commercial direct avec Washington. Un tel projet serait d’ailleurs impossible selon les règles européennes, comme le rappelle la Commission européenne :

« Le commerce extérieur relève de la compétence exclusive de l’Union, et non des gouvernements nationaux. Les institutions de l’UE élaborent les lois et négocient les accords commerciaux internationaux. »

La mise au point de Rome

Le bureau de Giorgia Meloni n’a pas répondu à la demande de commentaire d’Euronews Cube, mais plusieurs médias italiens affirment que la Première ministre a nié être en pourparlers commerciaux avec Donald Trump. Rome précise que les discussions en cours avec Washington concernent uniquement les droits antidumping imposés à certains producteurs italiens de pâtes, et non un traité commercial.

Le dumping, rappelle le gouvernement, désigne la vente de produits étrangers à un prix inférieur à leur valeur réelle, ce qui nuit à la concurrence locale.

Un échange marqué par l’admiration et la proximité

Si la vidéo est fausse, elle s’inscrit dans un contexte où Donald Trump ne cache pas son admiration pour Giorgia Meloni. Le président américain a plusieurs fois loué son « courage » et sa « force de caractère ». Lors du sommet pour la paix à Gaza, tenu en Égypte le 13 octobre, Trump avait même déclaré devant un parterre de dirigeants :

« Nous avons une femme, une jeune femme, qui est une – je n’ai pas le droit de le dire, parce que d’habitude, c’est la fin de votre carrière politique si vous dites – que c’est une belle jeune femme », a-t-il affirmé.
« Maintenant, vous utilisez le mot belle aux États-Unis, à propos d’une femme, c’est la fin de votre carrière politique, mais je vais tenter ma chance », a-t-il poursuivi, cherchant Meloni parmi les dirigeants sur scène.
« Où est-elle ? Elle est là. Cela ne vous dérange pas qu’on vous dise que vous êtes belle, n’est-ce pas ? Vous l’êtes. »

De son côté, Giorgia Meloni s’est montrée désireuse d’entretenir de bonnes relations avec Donald Trump. Elle a été la seule dirigeante de l’Union européenne à assister à son investiture en janvier, et elle s’est présentée comme son alliée dans la lutte contre « l’idéologie woke et DEI » (Diversité, Équité et Inclusion) lors d’une visite au bureau ovale en avril.

La vidéo relayée par Trump mentionne également que le président américain aurait affirmé que le partenariat entre les États-Unis et l’Italie “remonte à des milliers d’années”. Si rien n’indique qu’il ait fait une telle déclaration récemment, il avait déjà tenu des propos similaires en 2019, lors d’une rencontre avec le président italien Sergio Mattarella :

« Les États-Unis et l’Italie sont liés par un héritage culturel et politique commun qui remonte à la Rome antique, il y a des milliers d’années. »

Entre admiration, désinformation et diplomatie fragile

Cette affaire illustre les zones grises entre communication politique et manipulation numérique, dans un contexte où l’IA permet de créer des contenus extrêmement crédibles.
Elle met aussi en lumière la relation singulière entre Donald Trump et Giorgia Meloni, marquée à la fois par une proximité idéologique et par une communication volontiers spectaculaire.

Reste à savoir si cet épisode n’est qu’un incident isolé ou le signe avant-coureur d’une nouvelle ère de désinformation transatlantique, à la croisée de la politique et de la technologie.