La Turquie et le Royaume-Uni ont franchi une étape majeure dans leur coopération militaire. Pour un montant de 9,2 milliards d’euros, Ankara a signé un contrat d’achat de 20 avions de combat Eurofighter Typhoon, marquant l’un des plus importants accords de défense récents entre deux membres de l’OTAN. Cet accord stratégique consolide les liens entre Londres et Ankara tout en stimulant l’économie britannique et en redéfinissant la position de la Turquie au sein de l’Alliance atlantique.
Un partenariat stratégique renforcé
Le contrat a été officialisé lors de la première visite du Premier ministre britannique Keir Starmer en Turquie. Celui-ci a salué un partenariat « plus fort que jamais » entre les deux nations, affirmant que cette coopération « renforcera la sécurité de l’ensemble de l’OTAN ». Selon Londres, cette commande devrait également créer près de 20 000 emplois dans l’industrie britannique de la défense.
Le président Recep Tayyip Erdoğan a, pour sa part, qualifié cette acquisition de « nouveau symbole de la relation stratégique » entre les deux pays. Les premiers Eurofighters devraient être livrés à partir de 2030, ouvrant la voie à d’éventuelles commandes supplémentaires. Les Typhoons sont produits par un consortium européen réunissant le Royaume-Uni, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne, sous la direction du groupe BAE Systems.
Diplomatie et tensions : un équilibre délicat
La conclusion de cet accord n’a pas été sans obstacles. Berlin s’y était d’abord opposé, invoquant les positions d’Ankara vis-à-vis du Hamas. Toutefois, le chancelier allemand Friedrich Merz a levé son veto en juillet, permettant la finalisation du contrat. Une visite officielle du dirigeant allemand à Ankara est d’ailleurs prévue prochainement afin de poursuivre les discussions bilatérales.
Sur le plan intérieur, la Turquie traverse une période politique agitée, notamment avec les accusations d’espionnage visant le maire d’Istanbul, Ekrem İmamoğlu, figure montante de l’opposition. Le Parti républicain du peuple (CHP) a dénoncé le silence des capitales européennes face à ce qu’il qualifie de répression politique.
Interrogé sur ces tensions, Tom Wells, porte-parole de Keir Starmer, a souligné que le Royaume-Uni « attend de la Turquie qu’elle respecte l’État de droit », tout en rappelant que les désaccords politiques n’empêchent pas un dialogue constructif.
Modernisation militaire et ambitions d’Ankara
Cette commande s’inscrit dans une stratégie plus large de modernisation de la flotte aérienne turque. Les Eurofighters serviront de solution transitoire en attendant le déploiement du chasseur turc de 5e génération Kaan, dont la mise en service est prévue pour 2028.
Ankara ambitionne également de réintégrer le programme américain F-35, dont elle avait été exclue en 2019 après l’achat du système de défense antiaérienne russe S-400.
Dans le même temps, la Turquie étudie la possibilité d’acquérir des Typhoons d’occasion auprès du Qatar et d’Oman, à raison de 12 appareils dans chacun de ces pays, afin de renforcer rapidement ses capacités aériennes.
Une avancée stratégique pour Ankara et Londres
En s’assurant l’accès à la technologie Eurofighter, Ankara gagne en autonomie militaire et se positionne comme un acteur central de la défense européenne au sein de l’OTAN. Pour le Royaume-Uni, ce contrat confirme son rôle de fournisseur de sécurité en Europe et au Moyen-Orient, tout en consolidant son industrie de défense post-Brexit.
Ce rapprochement turco-britannique, à la croisée des intérêts économiques et géopolitiques, pourrait bien rebattre les cartes des alliances au sein d’une OTAN en pleine recomposition.