L’opération de police menée mardi 28 octobre 2025 à Rio de Janeiro est désormais considérée comme la plus meurtrière de l’histoire du Brésil. Selon le bilan officiel, 119 personnes ont perdu la vie, dont quatre policiers, et plus d’une centaine d’individus ont été arrêtés. L’intervention visait le Comando Vermelho, puissant gang de narcotrafiquants opérant dans plusieurs États du pays.
Une opération d’ampleur inédite
Baptisée « Opération endiguement », cette offensive policière avait pour objectif de freiner l’expansion du Comando Vermelho (Commando Rouge), le plus influent réseau criminel de Rio. Dès l’aube, environ 2 500 agents ont investi deux vastes ensembles de favelas du nord de la ville, le Complexo da Penha et le Complexo do Alemão, situés à proximité de l’aéroport international. Ces quartiers sont considérés comme les bastions historiques du groupe.
Le Comando Vermelho, né dans les années 1970 dans une prison où cohabitaient opposants politiques et détenus de droit commun, a progressivement bâti un empire de la drogue et des armes. Aujourd’hui, son influence dépasse largement Rio et concurrence les milices para-policières implantées dans d’autres zones urbaines du Brésil.
Un bilan humain controversé
Le gouvernement de l’État de Rio a annoncé un bilan de 119 morts, mais les services du Défenseur public – organe chargé d’assister juridiquement les plus démunis – évoquent au moins 132 décès. Par ailleurs, 113 arrestations ont été confirmées et les forces de l’ordre affirment avoir saisi 91 fusils d’assaut ainsi qu’une « grande quantité » de drogue dont le volume exact n’a pas encore été précisé.
Cette opération dépasse en létalité le tristement célèbre massacre de Carandiru (1992), au cours duquel 111 détenus avaient été tués lors d’une mutinerie à São Paulo. À Rio, les précédentes interventions les plus meurtrières remontaient à 2021 (28 morts à Jacarezinho) et 2022 (25 morts à Vila Cruzeiro).
Le gouverneur Claudio Castro, déjà en poste lors de ces opérations, a salué un « succès » et défendu la stratégie employée, justifiant la violence par la lutte contre le “narcoterrorisme”. Selon lui, les seules « victimes » sont les policiers tombés dans l’opération.
Une opération menée sans l’aval du gouvernement fédéral
Le ministre de la Justice, Ricardo Lewandowski, a révélé que le gouvernement fédéral n’avait pas été informé de l’opération. Le président Luiz Inacio Lula da Silva aurait été « sidéré » par l’ampleur du bilan humain.
Sur le réseau X (ex-Twitter), Lula a déclaré que le Brésil ne pouvait « accepter le crime organisé », tout en soulignant la nécessité d’un travail coordonné qui lutte contre le trafic sans « mettre en danger les policiers, les enfants et les familles innocentes ».
Identités floues et soupçons d’exécutions
L’identité des personnes tuées n’a pas encore été révélée – à l’exception des quatre policiers – rendant impossible, pour l’heure, de déterminer si elles faisaient l’objet de mandats judiciaires. Les autorités n’ont pas non plus publié la liste complète des personnes arrêtées.
D’après les médias locaux, Thiago “Belao” do Nascimento Mendes, bras droit présumé de “Doca” Alves de Andrade, chef du Comando Vermelho dans plusieurs favelas de Rio, ferait partie des individus interpellés. Le chef lui-même aurait toutefois échappé à l’arrestation.
Des témoignages d’habitants font état de « possibles exécutions extrajudiciaires », tandis qu’un juge de la Cour suprême a convoqué le gouverneur Castro à une audience lundi prochain afin qu’il fournisse des informations détaillées sur le déroulement de l’opération.
Une ville toujours sous tension
Alors que Rio de Janeiro tente de concilier image touristique et insécurité chronique, cette opération historique remet au premier plan le débat sur les méthodes policières au Brésil. Entre nécessité de combattre le narcotrafic et dénonciation d’une violence d’État sans contrôle, le pays reste profondément divisé.
Pour beaucoup de Brésiliens, le choc provoqué par cette opération laisse une question ouverte : jusqu’où l’État peut-il aller pour rétablir l’ordre sans perdre son humanité ?