Le Danemark a créé la surprise le 12 septembre en annonçant le plus important investissement militaire de son histoire : 58 milliards de couronnes danoises, soit près de 8 milliards d’euros, seront consacrés au renforcement de sa défense aérienne. Cette décision, à forte portée symbolique et géopolitique, marque un tournant stratégique majeur : Copenhague a choisi de se détourner du système américain Patriot pour lui préférer des solutions européennes, en particulier le système franco-italien SAMP/T.
Un contrat historique pour l’armée danoise
L’annonce officielle, faite à Copenhague en présence du ministre de la Défense Troels Lund Poulsen, du chef d’état-major Michael Hyldgaard et de neuf partis parlementaires, a été saluée comme un moment « historique » pour le pays.
Le Danemark prévoit l’achat de huit systèmes de défense antiaérienne, combinant des capacités de moyenne et de longue portée, destinées à renforcer la protection du territoire face à un contexte sécuritaire international de plus en plus instable.
Le choix européen : une rupture avec la tradition américaine
Depuis des décennies, le Danemark membre fondateur de l’OTAN s’appuie sur les États-Unis pour ses grands achats militaires. Mais cette fois, le gouvernement danois a pris une décision qui rompt avec la ligne habituelle :
• Pour la longue portée, c’est le système SAMP/T (développé conjointement par la France et l’Italie) qui a été retenu.
• Pour la moyenne portée, les contrats ont été attribués à Kongsberg (Norvège) et Diehl Defence (Allemagne).
En écartant le Patriot américain, Copenhague envoie un message clair : l’Europe de la défense gagne du terrain, et le Danemark souhaite diversifier ses partenariats stratégiques.
Des raisons pratiques et géopolitiques
Selon plusieurs sources citées par Le Monde, cette décision repose sur des critères à la fois techniques, économiques et politiques.
Le coût élevé du système américain et ses délais de livraison plus longs ont joué en faveur des offres européennes.
Comme l’a expliqué Per Pugholm Olsen, expert en stratégie militaire,
« Les systèmes européens peuvent être livrés plus rapidement et à moindre coût, un atout majeur dans le climat actuel où chaque jour compte pour assurer la sécurité nationale. »
La montée des tensions autour de la Russie et la guerre en Ukraine ont également pesé dans la balance. Les pays européens cherchent de plus en plus à accroître leur autonomie militaire et à moderniser leurs capacités de défense sans dépendre exclusivement des États-Unis.
Un signal politique à Washington
Ce choix, bien que pragmatique, fait grincer des dents à Washington. En privilégiant des équipements européens, le Danemark s’inscrit dans une tendance croissante au sein de l’OTAN : celle d’un rééquilibrage des alliances.
Pour Copenhague, il ne s’agit pas de tourner le dos aux États-Unis, mais de s’ancrer davantage dans une coopération militaire européenne, tout en gagnant en indépendance stratégique.
Vers une Europe de la défense plus intégrée ?
Le cas danois s’ajoute à d’autres initiatives européennes visant à renforcer la production d’armement local et à mutualiser les technologies de défense. En choisissant le SAMP/T et des fournisseurs européens, le Danemark envoie un signal fort en faveur d’une Europe capable de se défendre par elle-même.
Un geste à la fois politique, stratégique et symbolique — qui illustre la transformation profonde des équilibres militaires sur le Vieux Continent.