Pourquoi l’Inde se tourne vers la Russie pour un sous-marin nucléaire malgré ses commandes à la France

À l’occasion de la visite de Vladimir Poutine à New Delhi, l’Inde et la Russie s’apprêtent à officialiser un accord majeur dans le domaine de la défense : la location d’un sous-marin nucléaire d’attaque russe. Selon Bloomberg, l’annonce devrait intervenir lors des discussions entre le président russe et le Premier ministre indien Narendra Modi, centrées sur la défense, l’énergie et le commerce.

Un choix géostratégique assumé par New Delhi

Alors que l’Inde dispose déjà de sous-marins français de type Scorpène – des modèles conventionnels produits par Naval Group – New Delhi souhaite désormais renforcer ses capacités sous-marines nucléaires. Le futur SNLE russe, dont la livraison est espérée sous deux ans, serait le troisième appareil de ce type à intégrer la marine indienne.

Ce nouvel accord, estimé à environ 2 milliards de dollars, survient après plusieurs années de négociations et peu après la visite de responsables indiens dans un chantier naval en Russie. Le sous-marin serait loué pour une période de dix ans, permettant à l’Inde de former ses équipages dans l’attente de la construction de sa propre flotte nucléaire.

Des liens russo-indiens qui résistent aux pressions américaines

Malgré des tensions commerciales avec les États-Unis – Washington ayant imposé des droits de douane de 50 % sur certains produits indiens en représailles à ses importations de pétrole russe – Narendra Modi refuse de rompre la coopération stratégique avec Moscou. La Russie demeure un partenaire clé, notamment dans le domaine militaire.

L’Inde loue régulièrement des sous-marins nucléaires russes depuis les années 1980. Le précédent exemplaire, également loué pour dix ans, avait été restitué en 2021.

Un arsenal qui se diversifie, mais une relation militaire historique avec Moscou

Si New Delhi diversifie davantage ses fournisseurs – en se tournant notamment vers la France et en développant une industrie de défense nationale –, la Russie conserve une place importante dans son arsenal.

Selon les données du SIPRI, la part des équipements russes dans les importations militaires indiennes est cependant passée de 76 % (2009-2013) à 36 % (2019-2023), signe d’une dépendance progressivement réduite mais toujours significative.

Pourquoi la France ne peut pas fournir de sous-marin nucléaire à l’Inde

Même si la coopération franco-indienne est forte, notamment avec les sous-marins conventionnels Scorpène du programme P-75, Paris ne peut légalement pas exporter de sous-marins nucléaires à l’Inde.

La raison est simple :
• La France est un État doté de l’arme nucléaire au titre du Traité sur la non-prolifération (TNP).
• L’Inde, elle, n’est pas signataire du TNP et possède des armes nucléaires hors du cadre du traité.

Exporter un sous-marin nucléaire – même dépourvu d’armes nucléaires – impliquerait le transfert d’un réacteur naval ainsi que de technologies liées au combustible, considérées comme sensibles et potentiellement utilisables dans un cadre militaire stratégique.

Un tel transfert serait assimilé à une action de prolifération nucléaire, formellement interdite par la doctrine française. Les technologies de propulsion des SNA Barracuda ou des SNLE de classe Triomphant ne sont jamais exportées.

Même l’Australie, pourtant alliée proche, n’a jamais pu y accéder : le programme AUKUS repose exclusivement sur des technologies américaines et britanniques.

L’Inde continue de s’intéresser à l’armement russe

Au-delà des sous-marins, New Delhi cherche également à renforcer son arsenal suite aux tensions militaires avec le Pakistan. L’Inde a manifesté un vif intérêt pour de nouveaux systèmes russes :
• les missiles sol-air S-400,
• le chasseur russe de 5ᵉ génération Su-57.

Selon Dmitri Peskov, porte-parole du Kremlin, ces sujets seront au cœur des échanges entre Poutine et Modi.

Laisser un commentaire