Les Européens proposent une « force multinationale » dirigée par l’Europe en Ukraine

À l’issue de deux jours de discussions à haut niveau à Berlin, les dirigeants européens ont présenté les contours d’un dispositif inédit de garanties de sécurité pour l’Ukraine. Celui-ci comprend notamment la création d’une force multinationale dirigée par l’Europe, un engagement juridiquement contraignant d’assistance en cas d’attaque russe et l’ouverture d’une commission internationale destinée à indemniser l’Ukraine pour les dommages causés par l’invasion russe.

Cette initiative marque une étape majeure dans les efforts diplomatiques visant à mettre fin durablement au conflit, tout en renforçant la sécurité du pays face à toute agression future.

Un engagement européen inspiré de l’article 5 de l’OTAN

Dans une déclaration commune publiée lundi, les dirigeants européens se sont formellement engagés à venir en aide à l’Ukraine en cas de nouvelle attaque de la Russie. Cet engagement s’inspire directement du principe de défense collective inscrit à l’article 5 de l’OTAN, sans pour autant constituer une adhésion formelle de Kiev à l’Alliance.

Les mesures d’assistance prévues se veulent larges et incluent le recours à la force armée, le partage de renseignements, l’assistance logistique, ainsi que des actions économiques et diplomatiques. Cette approche globale a été présentée avec l’aval des États-Unis.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a assisté à la réunion, aux côtés de hauts responsables européens et américains.

Les principales garanties de sécurité proposées

Les dirigeants européens ont détaillé une série de garanties destinées à stabiliser durablement la situation sécuritaire de l’Ukraine :
• un soutien durable et significatif aux forces armées ukrainiennes, dont les effectifs seraient limités à 800 000 soldats en temps de paix ;
• le déploiement d’une force multinationale dirigée par l’Europe sur le sol ukrainien, sur le modèle de la « Coalition des volontaires » menée par la France et le Royaume-Uni ;
• un mécanisme de surveillance et de vérification du cessez-le-feu, placé sous l’égide des États-Unis ;
• un engagement juridiquement contraignant de rétablir la paix en cas d’attaque armée future de la Russie ;
• des investissements dans le redressement et la reconstruction de l’Ukraine, tout en maintenant le gel des avoirs de la Banque centrale russe ;
• la poursuite du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.

Un large soutien politique européen

La déclaration a été signée par le chancelier allemand Friedrich Merz, la première ministre danoise Mette Frederiksen, le président français Emmanuel Macron, la première ministre italienne Giorgia Meloni, le premier ministre néerlandais Dick Schoof, le premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre, le premier ministre polonais Donald Tusk, le premier ministre suédois Ulf Kristersson et le premier ministre britannique Keir Starmer.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président du Conseil européen, António Costa, ont également signé le texte, laissant la possibilité à d’autres pays de s’y associer.

« Dans tout accord, rien n’est convenu tant que tout n’est pas convenu », ont souligné les signataires, appelant à un engagement soutenu pour garantir une fin durable des combats.

Le rôle déterminant des États-Unis

La réunion de Berlin a également été suivie par les envoyés spéciaux américains Steve Witkoff et Jared Kushner, gendre du président Donald Trump. Après des discussions bilatérales avec l’Ukraine dimanche, ils ont rejoint les dirigeants européens lundi.

Selon une source proche des négociations, la participation américaine représente un progrès notable, notamment en raison des capacités militaires et de renseignement de Washington. Les États-Unis devraient fournir un appui en matière de renseignement et de soutien aérien, tandis que le centre des opérations reposerait sur l’armée ukrainienne, appuyée par la force multinationale européenne.

L’opération envisagée serait multidomaine, couvrant la terre, la mer, l’air, le cyberespace et l’espace.

Les territoires occupés, un sujet toujours sensible

S’exprimant aux côtés de Friedrich Merz, Volodymyr Zelensky a reconnu que « des progrès ont été réalisés sur de nombreuses questions », tout en admettant que la question des territoires occupés restait « douloureuse ».

Les dirigeants européens ont rappelé que toute décision concernant le territoire devait revenir au peuple ukrainien, une fois des garanties de sécurité solides effectivement mises en place. Ils ont affirmé leur soutien à Kiev si un référendum venait à être organisé et insisté sur le principe selon lequel « les frontières internationales ne doivent pas être modifiées par la force ».

Pressions sur Moscou et appels au cessez-le-feu

Les Européens ont exhorté la Russie à accepter le plan de paix soutenu par la Maison-Blanche et à instaurer un cessez-le-feu, une option jusqu’ici refusée par le président russe Vladimir Poutine. Le Kremlin a, de son côté, estimé que l’implication accrue des Européens dans ces négociations « n’augure rien de bon ».

Le financement de l’Ukraine au cœur des débats européens

Cette percée diplomatique intervient à l’approche d’un sommet crucial de l’Union européenne à Bruxelles, où les dirigeants devront décider comment lever 90 milliards d’euros pour financer les besoins budgétaires et militaires de l’Ukraine pour 2026 et 2027.

La principale proposition repose sur un prêt à taux zéro destiné aux réparations, basé sur les actifs gelés de la Banque centrale russe. Le projet se heurte toutefois à l’opposition de la Belgique, principal dépositaire de ces fonds, ainsi qu’aux réserves de l’Italie, de la Bulgarie, de Malte et de la République tchèque.

« Je comprends les inquiétudes. Je ne les partage pas », a déclaré Friedrich Merz, appelant les pays réticents à soutenir cette initiative.

Une commission internationale pour indemniser l’Ukraine

Parallèlement, trente-cinq pays, dont l’Ukraine, ont entériné à La Haye la création d’une Commission internationale chargée de statuer sur les réparations à verser à Kiev pour compenser l’invasion russe. Cette instance vise à établir un cadre juridique international pour l’indemnisation des destructions humaines, matérielles et économiques causées par la guerre.

La France a de nouveau insisté sur la nécessité de garanties de sécurité robustes avant toute discussion sur la question territoriale, dont la cession est exigée par Moscou.

Ces annonces, qui s’inscrivent dans le fil diplomatique du 16 décembre 2025, confirment la volonté de l’Europe de lier sécurité, reconstruction et justice, tout en affirmant un rôle central dans la recherche d’une solution durable au conflit ukrainien.

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