Depuis la guerre des 12 jours avec Israël en juin dernier, le régime iranien a intensifié sa répression contre sa population, invoquant la sécurité nationale. La surveillance s’est renforcée, de nombreux Iraniens ont été arrêtés, et le nombre d’exécutions a atteint un niveau inédit depuis trente ans.
Un symbole de cette répression est Narges Mohammadi, militante féministe et lauréate du prix Nobel de la paix 2023. Elle a été arrêtée le 12 décembre dernier après avoir pris la parole lors d’une cérémonie en hommage à un avocat retrouvé mort quelques jours plus tôt. Dans un bref échange téléphonique avec sa famille, elle a décrit des violences physiques extrêmes lors de son interpellation, assurant avoir reçu des coups à la tête et au cou avec une matraque.
Mohammadi, emprisonnée à plusieurs reprises depuis 2021 pour ses activités de défense des droits humains et des prisonniers politiques, est accusée de « coopération avec le gouvernement israélien ». Lors de cette cérémonie, 37 autres participants ont également été arrêtés pour avoir prétendument incité à chanter des slogans « contraires aux normes ».
Depuis la guerre avec Israël, le régime, déjà sous pression depuis le mouvement « Femme, vie, liberté » de septembre 2022, a intensifié sa répression. Selon les ONG Amnesty International et Human Rights Watch, les autorités iraniennes mènent une « répression terrifiante sous couvert de sécurité nationale ».
Pendant la guerre des 12 jours, qui s’est déroulée du 13 au 24 juin, 21 000 personnes ont été arrêtées, selon la République islamique. Depuis, ces arrestations perdurent. Des familles témoignent de raids domiciliaires, de confiscations d’appareils électroniques et de détentions arbitraires, souvent sans documents officiels ni procès équitable. La surveillance s’étend aux réseaux sociaux, et de nombreux détenus sont intimidés par de courtes arrestations ou par des accusations floues.
Une “frénésie d’exécutions” sans précédent
Depuis le début de l’année 2025, au moins 1 200 personnes ont été exécutées en Iran, selon une commission de l’ONU, dépassant le record de l’année précédente. Cela représente en moyenne quatre exécutions par jour. Ces chiffres constituent un minimum, compte tenu du manque de transparence sur les procédures judiciaires et l’application de la peine de mort.
Les autorités utilisent la peine de mort pour écraser toute contestation, notamment contre les opposants politiques et les communautés marginalisées. Depuis la guerre de juin, au moins neuf personnes condamnées pour avoir collaboré avec Israël ont été exécutées. Une loi adoptée en octobre a durci les peines pour toute coopération avec des « pays hostiles », passible de la peine capitale sous le chef d’inculpation de « corruption sur Terre ».
Des milliers d’Iraniens se trouvent actuellement dans les couloirs de la mort après des procès qualifiés de simulacres de justice, où les aveux forcés et la torture sont généralisés. Amnesty International demande aux États membres de l’ONU de réagir face à cette « frénésie d’exécutions », qui atteint une ampleur inédite depuis 1989.
Une population sous pression
Les arrestations touchent également les familles de militants. Fatemeh Zia’i, 68 ans, opposante politique et sympathisante de l’Organisation des moudjahiddines du peuple iranien (OMPI), est détenue à la prison d’Evin depuis son arrestation en août dernier. Sa fille, Niloofar Azimi, réfugiée en Finlande, raconte que sa mère a passé 13 ans en prison au total, après avoir été arrêtée sept fois depuis 1981.
Cette répression survient alors que l’Iran traverse une grave crise économique et environnementale : inflation élevée, chute de la monnaie nationale, coupures d’électricité fréquentes et pénuries d’eau à Téhéran, ville de 9 millions d’habitants, menacée d’évacuation selon le président iranien Massoud Pezeshkian.
« Ma mère m’a toujours dit que la société iranienne était comme une bombe prête à exploser », témoigne Niloofar Azimi. La peur et la répression accentuent le mécontentement, et les observateurs craignent que l’Iran reproduise les massacres de 1988, lorsque des dizaines de milliers de dissidents politiques avaient été exécutés de manière extrajudiciaire à la fin de la guerre Iran-Irak.
Selon la chercheure Amélie Chelly, spécialiste de l’Iran et de l’islam politique, « à partir du moment où la République islamique se sent en danger, elle réprime sa population. Depuis son existence, elle a toujours fonctionné de la sorte ».