C’est un geste discret mais hautement symbolique. Pour la première fois depuis plus d’un demi-siècle, le ministère syrien des Affaires étrangères a diffusé une carte officielle du pays qui n’inclut pas le plateau du Golan, territoire occupé par Israël depuis 1967. Publiée dimanche 21 décembre sur le réseau social X, cette carte accompagne un message célébrant la levée prochaine des sanctions américaines contre Damas, sans que le gouvernement syrien n’annonce formellement un changement de doctrine sur ce dossier sensible.
Une carte qui rompt avec des décennies de symboles diplomatiques
Intitulé « La Syrie sans les sanctions », le message du ministère vise à saluer la décision des États-Unis de lever les sanctions imposées en 2019 dans le cadre de la loi « Caesar ». Cette levée, intégrée au projet de loi annuel sur la défense américaine, a été adoptée par le Congrès et attend la signature finale du président Donald Trump.
Mais au-delà du texte, ce sont les éléments visuels qui ont retenu l’attention. Dans le coin sud-ouest de la carte, le plateau du Golan n’apparaît plus. Une première dans les documents officiels syriens, qui ont toujours représenté ce territoire comme faisant partie intégrante de la Syrie, malgré son occupation par Israël depuis la guerre des Six Jours en 1967 et son annexion en 1981.
Le Golan, un territoire au cœur d’un contentieux historique
Damas n’a jamais reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan. L’annexion décidée par Israël en 1981 a été déclarée « nulle et non avenue » par la résolution 497 du Conseil de sécurité de l’ONU, adoptée le 17 décembre de la même année. Officiellement, la position syrienne reste inchangée.
Toutefois, l’absence du Golan sur cette carte constitue un signal faible mais inédit, suggérant une inflexion du ton diplomatique syrien à l’égard d’Israël, sans reconnaissance formelle ni annonce politique explicite.
Une stratégie de réintégration internationale
Depuis la chute de Bachar el-Assad il y a un peu plus d’un an, le président Ahmed al-Charaa s’emploie à sortir la Syrie de son isolement international. Ancien chef de la région rebelle d’Idlib, au passé lié à des groupes djihadistes, il cherche aujourd’hui à apparaître comme un interlocuteur pragmatique sur la scène régionale et internationale.
Dans ce contexte, la levée des sanctions américaines représente une étape majeure. Vendredi, Ahmed al-Charaa a publiquement remercié Donald Trump, ainsi que plusieurs dirigeants régionaux, dont le prince héritier saoudien, le Premier ministre qatari et le président turc. Ménager Israël, allié clé de Washington, s’inscrit dans cette stratégie de normalisation progressive.
Israël, la zone tampon et le risque d’escalade
La question du Golan est également liée à des enjeux sécuritaires immédiats. À l’est du plateau se trouve une zone démilitarisée, placée sous la supervision de l’ONU depuis les accords de 1974, conclus après la guerre israélo-arabe de 1973. Or, à la suite de la chute de Bachar el-Assad, l’armée israélienne a déployé des troupes dans cette zone tampon.
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a affirmé, le 19 novembre 2024, que cette zone revêtait une « importance immense » pour la sécurité d’Israël, laissant entendre qu’elle pourrait être élargie. Il continue par ailleurs d’exiger la démilitarisation de toute la région syrienne s’étendant du sud de Damas jusqu’à la ligne de démarcation de 1974.
Un geste symbolique, sans reconnaissance officielle
Si le gouvernement d’Ahmed al-Charaa n’a pas reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan, la publication de cette carte marque une rupture symbolique avec la posture traditionnelle de Damas. Elle illustre une diplomatie plus pragmatique, soucieuse d’éviter l’escalade militaire et de favoriser une réintégration progressive de la Syrie dans le jeu international, à l’heure où les équilibres régionaux restent fragiles.