Syrie : à Raqqa, la multiplication des tunnels suscite la crainte d’un nouveau conflit

À Raqqa, dans le nord-est de la Syrie, la ville semble replonger dans l’incertitude. Depuis le printemps 2025, les habitants observent la multiplication de travaux de creusement de tunnels dans plusieurs quartiers résidentiels, alors que l’accord signé le 10 mars 2025 entre les Forces démocratiques syriennes (FDS) et le gouvernement syrien arrive à son terme. Ces travaux, dont les objectifs officiels n’ont pas été précisés, alimentent les craintes d’une militarisation souterraine de la ville.

Une ville marquée par la guerre

Raqqa, située sur la rive orientale de l’Euphrate, a été au cœur de toutes les phases de la guerre en Syrie. Première grande ville à rejoindre le soulèvement contre le régime de Bachar al-Assad en 2013, elle est tombée sous le contrôle de l’organisation État islamique (EI) en 2014, devenant sa “capitale” de facto. En octobre 2017, la ville est reprise par les FDS, dominées par les Kurdes, après une offensive destructrice de la coalition internationale.

Des tunnels visibles et audibles dans les quartiers résidentiels

Depuis le printemps 2025, plusieurs quartiers de Raqqa présentent des ouvertures de tunnels, avec des grues, des tas de terre et des chantiers visibles, notamment autour de l’Hôpital national de Raqqa et de l’hôpital Al-Mawasi, ainsi que près du stade municipal. Selon des habitants, les bruits de creusement sont audibles depuis l’intérieur des maisons et plusieurs effondrements ont déjà été observés. Dans la rue al-Wadi, un effondrement a forcé de nombreuses familles à quitter le quartier stratégique d’al-Firdous.

Salamah, un résident de Raqqa, témoigne : « Partout où je me déplace, je remarque des ouvriers qui sortent de ces ouvertures. Les tunnels passent sous les habitations civiles. Il y a au moins 30 entrées visibles dans la ville. »

Une préparation militaire suspectée

Selon des analystes, ces travaux s’inscrivent dans une stratégie ancienne des FDS, adoptée dès 2014 par les Unités de protection du peuple (YPG) pour se protéger des frappes turques. Les tunnels permettent de se déplacer en sécurité, de fortifier des positions et d’établir des abris et centres de commandement. Depuis mars 2025, la cadence des chantiers semble s’être accélérée malgré l’accord avec Damas, certains tunnels étant suffisamment larges pour le passage de véhicules.

Un analyste basé à Raqqa explique : « Les tunnels sont creusés dans le but de préparer des combats en milieu urbain. L’interconnexion des galeries pourrait provoquer l’effondrement de dizaines d’immeubles et causer des pertes civiles massives. »

Inquiétudes civiles et risques structurels

La population exprime son inquiétude face aux risques pour l’intégrité des bâtiments et la sécurité des habitants. Qassem, un autre résident, affirme : « Les tunnels s’étendent partout, sous les mosquées, les hôpitaux, les jardins publics. Tout cela laisse présager une préparation à une confrontation militaire avec l’armée. »

La nature sableuse du sol, proche de la nappe phréatique, combinée au risque sismique, accentue les risques d’effondrement. Le 15 novembre, une nouvelle chute de terrain a été signalée dans le quartier nord de la ville, attribuée par les habitants aux tunnels.

Vers un futur incertain

Alors que l’accord entre les FDS et le gouvernement syrien arrive à son terme le 31 décembre 2025, deux scénarios se dessinent : soit l’accord sera prolongé pour permettre une intégration progressive des FDS dans l’armée syrienne, soit Damas pourrait lancer une opération militaire pour reprendre le contrôle des zones tenues par les FDS. Des affrontements ont déjà éclaté récemment à Alep, faisant plusieurs morts, ce qui laisse craindre une escalade à Raqqa.

Contactées , les autorités des FDS n’ont pas fourni d’explications sur la nature et les objectifs de ces travaux de tunnels. Pour les habitants, l’inquiétude reste palpable : la ville semble se préparer, sous terre, à un nouveau conflit.

Laisser un commentaire