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Archéologie : Des analyses ADN apportent des réponses sur les règles du mariage en Méditerranée antique

En décodant des génomes anciens, une équipe internationale de chercheurs révèle ce qu’ils appellent des informations « complètement nouvelles » sur l’ordre social de l’âge du bronze égéen.(Source Geo).

Au cours du XIXe siècle, l’archéologue allemand Heinrich Schliemann (1822-1890) a découvert des tombes à puits lors de fouilles de l’ancienne ville de Mycènes, datant de l’âge du bronze – dont il a notamment mis au jour un célèbre objet doré, le masque d’Agamemnon. Après cela, il ne put que spéculer sur les relations qui existaient entre les différentes personnes enterrées là. Aujourd’hui, grâce à l’analyse de génomes anciens, une équipe internationale de chercheurs dirigée par l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive de Leipzig (Allemagne) a une idée fascinante. Dans un article de la revue Nature Ecology & Evolution publié le 16 janvier 2023, les scientifiques décrivent comment ils sont parvenus à reconstituer un tableau des anciennes structures familiales et des règles de mariage détaillées de la Crète minoenne (de 2 700 à 1 200 avant J.-C.) et de la Grèce mycénienne ( 1650 à 1100 avant JC).

Pour y arrivé, les chercheurs ont analysé les génomes retrouvés dans les restes de cent deux personnes ayant vécu en mer Égée durant l’âge du bronze. Des donnés génétiques qui leur ont permis de reconstituer un arbre généalogique pour toute la région méditerranéenne antique, le premier reconstitué génétiquement à ce jour, selon les auteurs de l’étude. Pour un hameau mycénien du XVIe siècle av. J.-C., il a même été possible d’identifier les liens de parenté des habitants d’une maison. L’analyse d’ADNs anciens révèle que certains des fils de la famille vivaient encore dans le hameau de leurs parents à l’âge adulte leurs enfants ont été enterrés dans la tombe se cachant sous la cour du domaine. L’épouse de l’un d’entre eux a par ailleurs intégré sa sœur au domicile familial, puisque les ossements de l’enfant de cette dernière ont également été retrouvés dans cette même sépulture.

C’est toutefois une autre découverte qui a vraiment étonné les spécialistes : il y a 4.000 ans en Crète et dans les autres îles grecques, ainsi que sur le continent, il semblerait qu’il ait été particulièrement courant d’épouser son cousin germain. « Plus d’un millier d’anciens génomes de différentes régions du monde ont maintenant été publiés, mais il semble qu’un système aussi strict de mariage entre parents n’existait nulle part ailleurs dans le monde antique, indique dans un communiqué Eirini Skourtanioti, auteure principale de l’étude et chercheuse au département d’archéogénétique de l’Institut Max-Planck. Cela a été une surprise totale pour nous tous et soulève de nombreuses questions. » Car l’équipe de recherche ne peut en effet que spéculer sur cette tradition maritale : peut-être s’agissait-il d’un moyen de garder les terres agricoles héritées groupées, et de garantir une certaine continuité familiale.

Des documents historiques avaient déjà révélé aux historiens que bien plus tard, dans la loi athénienne (451 de notre ère), la proximité par le sang (anchisteia) ou la consanguinité (syngeneia) ne constituaient pas des obstacles au mariage dans la Grèce antique. Une possibilité légale qui donne l’occasion au philosophe Plutarque de se questionner : « pour quelle raison (à l’inverse, ndlr) les Romains s’épousent-ils pas leurs proches parentes ? » se demande-t-il dans les Questions romaines (source : Parenté et société dans le monde grec, Ausonius Éditions, 2006). Ces nouvelles analyses d’ADNs anciens témoignent donc de la réalité du mariage entre cousins des millénaires auparavant, sans que les motivations derrière cette règle ne soient pour le moment identifiées. « Ce qui est certain, c’est que l’analyse des génomes anciens continuera à l’avenir à nous fournir de nouvelles informations fantastiques sur les anciennes structures familiales », ajoute Eirini Skourtanioti.