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Gaza : des pilules d’oxycodone retrouvées dans des sacs de farine ? Une affaire trouble mêlant accusations, rumeurs et incertitudes

Depuis quelques jours, une rumeur virale secoue les réseaux sociaux et plusieurs médias internationaux : des pilules d’oxycodone, un puissant antidouleur de la famille des opioïdes, auraient été découvertes dissimulées dans des sacs de farine destinés à l’aide humanitaire à Gaza. L’affaire suscite de vives réactions et soulève de nombreuses interrogations, dans un contexte déjà marqué par la guerre, les pénuries et la désinformation.

Une découverte relayée par le “bureau des médias de Gaza”

La première mention officielle de cette affaire remonte au vendredi 27 juin, à travers un communiqué attribué au bureau des médias du gouvernement de Gaza, diffusé sur un canal Telegram. Le texte affirme que des pilules « stupéfiantes » ont été retrouvées dans de la farine livrée par des centres d’aide soutenus par les États-Unis et Israël, qualifiant cette pratique de « crime odieux » visant à « répandre la toxicomanie » et à « détruire le tissu social palestinien ». Quatre témoignages de citoyens ayant retrouvé ces comprimés sont évoqués.

Des publications virales, des photos troublantes

Sur le réseau social X (anciennement Twitter), plusieurs publications massivement partagées affichent des photos de pilules blanches portant l’inscription « G 80 » ou « O 80 ». Ces images ont alimenté les soupçons, d’autant qu’elles ont été relayées par des médias comme AJ+ Français et l’agence turque Anadolu, mais aussi par de nombreux comptes de particuliers se présentant comme médecins ou pharmaciens à Gaza.

Cependant, aucune preuve formelle ne permet à ce jour de confirmer l’origine ou la composition exacte de ces comprimés. Des experts interrogés par 20 Minutes rappellent qu’il est impossible de déterminer le contenu d’un médicament à partir d’une simple photographie. Pour Alice Deschenau, cheffe du service d’addictologie du groupe hospitalier Paul Guiraud, seule une analyse chimique permettrait de trancher.

Une accusation controversée et d’autres hypothèses

La version attribuant la responsabilité de ces pilules à l’armée israélienne n’est pas unanimement partagée, y compris parmi certains internautes palestiniens. Sur X, @tamerqdh, un compte connu pour documenter la situation à Gaza, avance une autre explication : un trafic de drogue, dans lequel des pilules sont dissimulées dans des camions d’aide pour être récupérées une fois la marchandise arrivée à destination. Il évoque même des tentatives similaires de contrebande via drones.

Cette hypothèse rappelle que la contrebande de médicaments et de stupéfiants existe bel et bien à Gaza, territoire soumis à un blocus sévère et à une pression humanitaire extrême. Le contexte de guerre rend les contrôles plus difficiles, et les tentatives d’introduction illicite de substances ne sont pas nouvelles.

Une incertitude renforcée par l’absence de confirmation indépendante

L’affaire a été évoquée à deux reprises lors d’un point presse de l’ONU, lundi. Stéphane Dujarric, porte-parole du Secrétaire général, a déclaré :

« Nous vivons dans un environnement où il y a beaucoup de désinformation. […] À ce stade, je n’ai aucun moyen de confirmer ou de nier ces informations. »

Les Nations unies ont indiqué avoir demandé des précisions à leurs équipes sur le terrain, sans pouvoir apporter de réponses à ce stade. Une prudence compréhensible dans un contexte de guerre où les manipulations de l’information sont fréquentes et où les vérifications indépendantes sont extrêmement difficiles.

Faux médicaments ou propagande ?

De nombreux spécialistes, dont Maryse Lapeyre-Mestre, du CEIP-Addictovigilance de Toulouse, soulignent que les pilules visibles sur les photos ne correspondent pas à l’oxycodone disponible sur le marché européen. Il pourrait s’agir de faux médicaments, comme cela est fréquent dans les zones de conflit où circulent des produits de qualité douteuse. Le dosage apparent de 80 mg pourrait correspondre à de l’oxycodone, mais aucun logo officiel n’est identifiable.

Cette affaire soulève plus de questions que de certitudes. Si la présence de pilules dans des sacs de farine à Gaza semble plausible, leur origine, leur composition et leur but restent totalement incertains. En l’absence d’enquête indépendante et d’analyse scientifique, il est impossible de confirmer s’il s’agit d’un acte délibéré de sabotage, d’un trafic illégal ou d’une opération de désinformation dans un contexte où chaque image, chaque rumeur, peut devenir une arme.

Dans un territoire ravagé par la guerre et les pénuries, le danger d’une crise sanitaire supplémentaire, alimentée par la drogue ou la désinformation, reste bien réel.