Archives du mot-clé #BienÊtre

Solitude, fléau silencieux mondial : l’OMS alerte sur une crise de santé publique sous-estimée

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié ce 30 juin un rapport inédit sur les conséquences sanitaires, sociales et économiques de la solitude et de l’isolement social. Loin d’un simple malaise affectif, cette réalité toucherait une personne sur six dans le monde et serait associée à un risque accru de décès prématuré, de troubles mentaux et de pathologies chroniques. En chiffres, ce fléau serait impliqué dans plus de 871 000 décès chaque année, toutes causes confondues.

À travers cette alerte, l’OMS appelle les États et les institutions internationales à reconnaître la connexion sociale comme un déterminant de santé à part entière, et à structurer des politiques publiques visant à reconstruire les liens humains.

Contrairement à d’autres fléaux plus médiatisés, la solitude n’est ni spectaculaire ni bruyante. Elle ronge en silence. Selon les données compilées dans le rapport, elle n’épargne aucun continent, bien qu’elle prenne des formes variées. Dans les sociétés dites « développées », elle frappe massivement les personnes âgées, mais aussi les jeunes adultes, particulièrement depuis la pandémie de COVID-19. Dans les pays du Sud, l’exode rural, la précarisation des liens communautaires et la digitalisation rapide contribuent à un isolement social croissant, souvent invisible dans les indicateurs de santé.

L’OMS distingue deux formes de solitude : celle qui résulte d’un isolement social objectif (manque de contacts), et celle qui provient d’un sentiment subjectif d’abandon ou de déconnexion. Les deux sont pathogènes. Elles augmentent les risques de dépression, de maladies cardiovasculaires, de démence et affaiblissent l’immunité. Le risque de décès prématuré chez une personne socialement isolée est comparable à celui encouru par un fumeur régulier.

Le rapport souligne que la solitude n’est pas uniquement une affaire de psychologie individuelle. Elle reflète une évolution profonde des sociétés humaines : atomisation des structures familiales, mobilité professionnelle accrue, substitution des interactions physiques par les connexions numériques. Le repli sur soi devient une norme tolérée, parfois encouragée, au nom de l’autonomie ou de la performance.

Dans ce cadre, l’OMS insiste sur la nécessité de réintégrer la dimension relationnelle dans les politiques publiques. Les États sont appelés à reconnaître la « santé relationnelle » comme un bien commun, au même titre que l’environnement ou l’accès aux soins. Elle plaide pour des investissements ciblés dans les infrastructures communautaires, les dispositifs intergénérationnels, les politiques culturelles ou encore les technologies favorisant les interactions humaines plutôt que l’isolement.

L’OMS invite à dépasser la logique de responsabilisation individuelle. La lutte contre la solitude ne peut être laissée aux seules initiatives personnelles ou à la bonne volonté des familles. Elle exige une stratégie collective, fondée sur une compréhension fine des dynamiques sociales contemporaines. Il s’agit, selon le rapport, de bâtir une « architecture sociale du lien », à rebours des tendances à l’ultra-individualisme et à l’hyperconnectivité déshumanisée.

Certaines initiatives sont citées en exemple : au Japon, des municipalités rémunèrent des « agents de lien social » pour accompagner les personnes âgées ; en Uruguay, des programmes publics intègrent la sociabilité dans les protocoles de santé mentale ; au Rwanda, des rituels communautaires traditionnels sont réinvestis pour renforcer les liens intergénérationnels.

L’appel de l’OMS n’est pas seulement humanitaire : il est stratégique. Dans un monde polarisé, où les sociétés sont fragilisées par les crises économiques, climatiques et identitaires, la déliaison sociale constitue une menace à la fois sanitaire, démocratique et sécuritaire. La solitude massive nourrit la défiance, la radicalisation et la perte de sens.

Ainsi, ce rapport pourrait marquer un tournant si les décideurs s’en saisissent réellement. En reconnaissant la solitude comme un enjeu mondial de santé publique, l’OMS met en lumière une crise civilisationnelle, que la technologie seule ne pourra résoudre.

En somme, la solitude n’est plus seulement une affaire de cœurs blessés. Elle est désormais une question de santé mondiale, de cohésion sociale et d’équilibre des sociétés humaines. Si elle continue à être ignorée, elle s’imposera comme l’un des grands défis invisibles du XXIe siècle.

Sources principales :

  • Rapport OMS 30 juin 2025
  • Synthèse par The Guardian – 30/06/2025
  • Étude The Lancet sur les effets de l’isolement – 2023

Santé sexuelle après 60 ans : une réalité ignorée, un tabou persistant

Alors que l’espérance de vie s’allonge sur tous les continents, un domaine demeure enveloppé de silence : la sexualité des seniors. Après 60 ans, le désir ne s’efface pas, il se transforme. Pourtant, les sociétés peinent à reconnaître cette évidence, tant le lien entre sexualité et jeunesse reste ancré dans l’imaginaire collectif. L’invisibilisation de la vie intime des aînés reflète bien plus qu’une simple gêne : c’est un déni de leur humanité pleine et entière.

Les chiffres sont sans équivoque. Selon une étude des Petits Frères des Pauvres, 91 % des seniors vivant en couple expriment encore du désir, et 50 % rapportent une activité sexuelle régulière. Cette réalité dépasse les frontières françaises, tant les témoignages convergent également dans les sociétés africaines, souvent tiraillées entre pudeur culturelle et reconnaissance implicite de la vitalité affective des aînés.

Les faits démentent ainsi les préjugés. Vieillir n’efface ni le besoin d’intimité, ni celui de tendresse. Le corps change, le rythme aussi, mais le désir s’adapte et persiste.

Pourquoi alors un tel silence ? Parce que la sexualité des aînés dérange. Les représentations dominantes continuent de glorifier des corps jeunes, normés, standardisés. Le vieillissement est réduit à une dégradation, et non à une évolution. Cette exclusion du champ du désir entretient la marginalisation affective des seniors, en particulier des femmes, souvent perçues comme « asexuées » dès la ménopause.

Conséquence : de nombreux aînés n’osent aborder leurs questions intimes, même auprès des professionnels de santé. Troubles érectiles, sécheresse vaginale, douleurs articulaires, diminution de la lubrification : ces réalités physiologiques naturelles restent trop souvent tues, alors même qu’elles peuvent être accompagnées et surmontées.

Passé 60 ans, la sexualité se redéfinit. Moins centrée sur la performance, elle s’enrichit d’une dimension affective plus profonde. Les caresses, les confidences, les regards complices prennent le relais de l’urgence des premières années. Chez certaines femmes, l’orgasme devient même plus intense, fort d’une meilleure connaissance de soi et d’une sérénité nouvellement acquise.

Cette intimité apaisée offre des bénéfices multiples : amélioration de l’estime de soi, bien-être psychologique, renforcement du lien conjugal, et même stimulation cognitive. Car la vie affective ne s’arrête pas au seuil de l’âge : elle continue d’entretenir la joie de vivre et l’équilibre personnel.

Au fond, le tabou de la sexualité des seniors traduit une vision utilitariste et productiviste de l’existence humaine. Une société qui refuse de reconnaître le droit au désir passé un certain âge confine ses aînés dans une forme de relégation silencieuse.

Rompre avec ce non-dit suppose d’abord une prise de conscience collective :

  • Former les médecins à accueillir la parole intime des patients âgés.
  • Inclure les plus de 60 ans dans les campagnes de prévention et de santé sexuelle.
  • Représenter positivement la diversité des âges dans les médias et la culture.
  • Ouvrir des espaces de parole, où les aînés puissent exprimer leurs attentes affectives sans crainte ni honte.

La sexualité après 60 ans n’est ni marginale, ni anecdotique. Elle participe pleinement de la qualité de vie et de la dignité humaine. En brisant le tabou qui l’entoure, il ne s’agit pas seulement de parler de plaisir, mais de reconnaître aux aînés le droit fondamental de continuer à être des êtres désirants et désirables. Le silence actuel est un aveu de frilosité collective ; il est temps d’en faire un sujet légitime de société.

Travail sous influence : la progression inquiétante de la cocaïne dans les milieux professionnels

La cocaïne, longtemps associée à des sphères festives ou à certains milieux d’affaires, s’invite désormais au cœur des espaces de travail plus ordinaires. En France notamment, les indicateurs épidémiologiques et les retours de terrain convergent : la consommation de ce stimulant puissant se banalise dans les entreprises, jusque dans des secteurs éloignés des clichés mondains. Une évolution récente, mais aux ressorts multiples.

L’entreprise iThylo, spécialisée dans les dépistages en milieu professionnel, offre une illustration frappante de cette montée en puissance : entre 2017 et 2025, le nombre de tests positifs aux stupéfiants réalisés sur les lieux de travail a plus que doublé. S’agissant de la seule cocaïne, la hausse est encore plus spectaculaire : les tests positifs ont été multipliés par treize en huit ans.

Ce phénomène récent s’inscrit notamment dans une dynamique post-pandémique. Les années de crise sanitaire ont profondément perturbé les organisations du travail, contribuant à une augmentation marquée des consommations de substances psychoactives chez certains salariés.

Contrairement à l’image traditionnelle de la cocaïne comme drogue festive des élites urbaines, c’est désormais sa fonction de « stimulant de rendement » qui domine dans le monde du travail. Témoignages à l’appui, plusieurs anciens consommateurs racontent des rituels devenus banals : « un rail, un café » pour se réveiller, tenir la cadence ou enchaîner des journées sans fin.

La recherche de performance immédiate, la lutte contre la fatigue chronique, mais aussi le besoin de compenser des situations de travail dégradées horaires atypiques, isolement professionnel, pression managériale expliquent cette bascule vers un usage « instrumentalisé » de la drogue.

Les intérimaires apparaissent particulièrement exposés : bien qu’ils ne représentent que 15 % des salariés testés, ils concentrent à eux seuls 31 % des cas positifs à la cocaïne.

Si les milieux du BTP, du transport routier, de la restauration et de l’hôtellerie ressortent régulièrement des études, le phénomène touche également des sphères insoupçonnées : administrations, services publics, entreprises technologiques. Des cadres supérieurs relatent même des pratiques installées au sein de comités de direction. Autrement dit, la diffusion de la cocaïne au travail dépasse aujourd’hui les distinctions sociales ou hiérarchiques traditionnelles.

L’une des raisons structurelles de cette expansion réside dans l’évolution du marché mondial de la cocaïne. Depuis une quinzaine d’années, la production sud-américaine atteint des niveaux historiques, l’offre inonde désormais massivement l’Europe occidentale. À qualité souvent améliorée, prix régulièrement abaissés : en France, la cocaïne est aujourd’hui plus accessible qu’elle ne l’a jamais été.

Au-delà de la question individuelle des addictions, ce sont les structures mêmes du travail moderne qui sont interrogées. Isolement des salariés, charge de travail croissante, valorisation de la productivité immédiate, flexibilité extrême des horaires : autant de facteurs favorables à la recherche de compensations chimiques. Plusieurs spécialistes insistent ainsi sur la responsabilité collective des entreprises dans la prévention de ces comportements déviants.

En droit français, l’employeur reste responsable de la santé physique et mentale de ses salariés (article L.4121-1 du Code du travail). Certaines entreprises ont durci leur arsenal préventif : contrôles inopinés, tolérance zéro vis-à-vis de l’alcool ou des stupéfiants lors d’événements internes, formations des managers à la détection des signaux faibles.

Mais ces réponses restent très inégales selon les secteurs et les tailles d’entreprises. Au-delà des mesures coercitives, les experts recommandent un travail plus approfondi sur l’organisation du travail elle-même, ses dérives managériales et ses injonctions paradoxales.

Le phénomène soulève enfin une interrogation sociétale plus large. Avec près de 10 000 hospitalisations liées chaque année à la cocaïne en France, une consommation qui a quadruplé en vingt ans, et des effets sanitaires encore mal maîtrisés (troubles cardiovasculaires, neurologiques, psychiatriques), la banalisation de cette drogue dans les milieux professionnels constitue un risque sanitaire majeur.

Stigmatiser les consommateurs reste contre-productif, selon plusieurs acteurs de la prévention : la crainte de sanctions administratives freine souvent les démarches d’accompagnement ou de soin.

L’extension de la consommation de cocaïne au travail n’est pas qu’un fait divers sanitaire : elle éclaire certaines pathologies silencieuses du monde du travail contemporain. Sous l’apparence de la performance et de la rentabilité, c’est une fragilité collective qui se dessine, celle de sociétés en quête permanente d’efficacité immédiate, parfois au prix du corps et de la santé des travailleurs.