Des survivants d’abus présumés perpétrés par l’organisation catholique Sodalitium Christianae Vitae (Sodalité de Vie Chrétienne) au Pérou ont lancé un appel public, jeudi à Lima, pour demander la transparence de l’Église catholique et l’implication des autorités civiles dans les enquêtes en cours. Ils exhortent le pape Léon XIV et le gouvernement péruvien à faire toute la lumière sur les dérives de cette organisation autrefois influente.
Appel à la transparence et à la justice
Réunis dans la capitale péruvienne, les plaignants – regroupés en collectifs de victimes – ont demandé la publication officielle du décret de dissolution du Sodalitium. Cette demande s’adresse directement au pape Léon XIV, qui connaît bien leur situation : lorsqu’il était encore évêque Robert Prevost au Pérou, il avait déjà porté leurs dossiers à l’attention du pape François.
Ce dernier, après avoir reconnu la gravité des faits dénoncés, s’était rangé du côté des victimes. Avec le concours de Mgr Prevost, il avait diligenté une enquête approfondie ayant conduit à la dissolution canonique du Sodalitium. Toutefois, les plaignants dénoncent aujourd’hui le silence entourant le décret de dissolution, et exigent qu’il soit rendu public.
Ils appellent également le gouvernement péruvien à collaborer avec les autorités américaines, puisque le Sodalitium possède aussi une base importante à Denver, aux États-Unis.
Une organisation aux multiples visages
Fondée comme un groupe laïc catholique, la Sodalité de Vie Chrétienne était connue pour ses œuvres éducatives et spirituelles : elle gérait des écoles, des centres de retraites religieuses, et opérait dans plusieurs pays d’Amérique latine. Mais derrière cette façade se cachait un réseau complexe, impliqué dans des activités immobilières, agricoles et de construction, aujourd’hui sous le regard critique de la justice.
Ces dernières années, le Sodalitium a été éclaboussé par de graves accusations d’abus sexuels sur mineurs, visant notamment son fondateur et plusieurs hauts responsables. Des plaintes ont également été déposées concernant une opacité financière : les procureurs péruviens enquêtent sur des transferts suspects vers des comptes bancaires offshore, soupçonnés de servir à dissimuler des fonds.
Une mission du Vatican en 2023
Face à l’ampleur des accusations, le Vatican a envoyé en 2023 une commission spéciale au Pérou, dirigée par l’un des principaux procureurs du Saint-Siège en matière d’abus sexuels. La mission comprenait des entretiens avec des journalistes, des dirigeants du Sodalitium, et des victimes. Elle avait également pour but d’examiner les activités du groupe sur les plans juridique et financier.
Durant leur enquête, les membres de la commission ont aussi rencontré des représentants de la communauté paysanne de Catacaos, qui accusent le Sodalitium d’avoir tenté de s’approprier illégalement 1900 hectares de terres agricoles. Selon les villageois, cette tentative s’appuierait sur des documents falsifiés, prétendant que les terres ont été achetées par des entreprises locales affiliées à l’organisation.
Outre ces manœuvres, les paysans disent faire face à un harcèlement judiciaire massif, avec des dizaines de procès intentés contre leur communauté. Le litige foncier est actuellement toujours en cours devant un tribunal péruvien.
Une Église appelée à sortir du silence
À travers cet appel, les plaignants espèrent que le pape Léon XIV, désormais à la tête de l’Église catholique, poursuivra la ligne de fermeté initiée par le pape François, en faveur des victimes. Ils réclament justice, réparation et transparence, et demandent à l’Église de rompre avec l’opacité historique qui a longtemps protégé les institutions religieuses mises en cause.