La réplication de l’ADN est l’un des processus moléculaires essentiels à la vie sur Terre, mais ses origines demeurent encore largement mystérieuses. Comment ce mécanisme crucial a-t-il pu se mettre en place il y a plus de 4 milliards d’années ? Quelles conditions ont favorisé son apparition ? Une nouvelle étude propose un scénario prometteur, conciliant les contraintes physico-chimiques indispensables avec le cadre géologique actuellement privilégié : celui des sources hydrothermales..(Source : Futura-Science).
L’un des processus fondamentaux du vivant est la réplication des acides nucléiques, l’ADN et l’ARN. Ce mécanisme moléculaire complexe permet en effet de produire, à partir d’une molécule initiale, deux molécules filles identiques. L’ensemble de la vie terrestre repose sur ce processus de réplication, qui permet notamment de régénérer nos tissus, de nous reproduire et d’évoluer.
Réplication de l’ADN : un mécanisme bien connu aux origines très troubles
Le mécanisme de la réplication est désormais bien connu. Très schématiquement, on considère que l’ADN et l’ARN sont constitués de deux brins, enroulés en hélice. En se séparant, chaque brin de la molécule mère va servir de matrice pour la synthèse d’un nouveau brin. Vont ainsi se reformer deux doubles brins exactement identiques.
Pourtant, il reste de nombreuses zones d’ombres, notamment sur l’origine de ce mécanisme. Vu son rôle fondamental dans les processus biologiques, il est normal de considérer qu’il a dû intervenir très précocement, au moment même où les premières briques du vivant apparaissaient sur Terre il y a plus de 4 milliards d’années. Pourtant, il n’est pas évident d’imaginer comment ce processus s’est mis en route dans cet environnement primitif.
Sources hydrothermales : le problème de la température
Il est en effet peu probable qu’il se soit initié dans l’océan ouvert, où la dilution des molécules de base est bien trop importante. En ce sens, l’environnement que représentent les sources hydrothermales, avec leurs fluides chargés en éléments essentiels au vivant, parait bien plus favorable. Toutefois il présente un autre problème. On sait en effet que la réplication des acides nucléiques est favorisée par la présence d’un gradient thermique et que les hautes températures ont tendance à entrainer la dégradation de ces molécules. Or, les sources hydrothermales présentent des conditions de températures plutôt élevées et surtout très stables.
Pour répondre à cette problématique, une équipe de chercheurs a reproduit en laboratoire les conditions physiques et chimiques que l’on peut retrouver au sein de la porosité des roches formant les cheminées hydrothermales. Ces roches forment en effet une interface majeure entre deux environnements très différents : d’un côté les fluides chauds, basiques, chargés en gaz, métaux et nutriments divers ; de l’autre l’océan, froid, salé, acide. Couplés aux minéraux présents dans les roches, qui ont pu servir de catalyseur à la synthèse de l’ARN ou de l’ADN, les gradients physico-chimiques présents au niveau de cette interface sont considérés par de nombreuses études comme ayant joué un rôle majeur l’établissement des premières réactions chimiques à la base du vivant et notamment à la synthèse d’acides nucléiques. Mais comment cet environnement a-t-il pu donner naissance au processus de réplication ?
Un triplement du nombre de brins d’ADN en 5 minutes seulement !
Dans un article publié dans la revue eLife, les chercheurs proposent un scénario. Leurs expérimentations révèlent en effet que les pores se situant à l’intersection entre un flux de gaz et un fluide aqueux pourraient avoir présenté les conditions nécessaires. Dans ces minuscules poches au sein de la roche, il apparait que les molécules d’acides nucléiques présentes dans la phase aqueuse se seraient accumulées au niveau de l’interface gaz-eau, sous l’effet de l’évaporation induite par l’arrivée continue de gaz dans cette porosité. Or, au bout de 5 minutes après le début de l’expérience, les chercheurs ont observé un triplement du nombre de brins d’ADN présents initialement. Au bout d’une heure, il y en avait 30 fois plus !.
Pour les chercheurs, si la forte concentration de molécules d’acides nucléiques aurait permis la réplication, c’est le gradient de salinité présent au sein du pore qui aurait joué dans le mécanisme de séparation des brins. Des tests ont montré que lorsque ces conditions n’étaient pas réunies (solution aqueuse, flux de gaz et gradient de salinité), aucune réplication n’était observée.
Ces conditions sont totalement en accord avec ce qu’il est possible d’observer au niveau des sources hydrothermales. Des résultats qui renforcent donc un peu plus l’idée que la vie est apparue dans ce contexte volcanique sous-marin.