Mahmoud Khalil, figure emblématique des manifestations en soutien à Gaza à l’université Columbia à New York, a été arrêté samedi 8 mars par des agents fédéraux de l’immigration (ICE). Son interpellation pourrait marquer le début d’une série d’arrestations visant les militants propalestiniens, selon le président Donald Trump, qui a menacé d’expulser ceux qu’il considère comme des « sympathisants terroristes ».(Avec : AFP).
Une arrestation sous tension
Le ministère de la Sécurité intérieure (DHS) a justifié cette arrestation en affirmant que Mahmoud Khalil avait « mené des activités liées au Hamas », sans fournir de précisions ni l’accuser formellement d’un crime. La procédure d’expulsion à son encontre a été suspendue lundi par un juge new-yorkais, en attendant une audience prévue mercredi.
D’après son avocate, Amy Greer, les agents de l’ICE ont initialement évoqué une révocation de son visa étudiant, avant de découvrir qu’il détenait une carte verte depuis 2024. Ils auraient alors menacé de lui retirer ce statut, ainsi que d’arrêter son épouse, une citoyenne américaine enceinte de huit mois.
Murad Awawdeh, président de la New York Immigration Coalition (NYIC), a dénoncé cette arrestation comme une tentative d’« instiller la peur et faire avancer un programme raciste ». De son côté, Donna Lieberman, directrice de l’Union des libertés civiles de New York (NYCLU), a qualifié la détention de Mahmoud Khalil d’« illégale » et d’« attaque extrême contre ses droits fondamentaux ».
Après un premier placement dans un centre de détention du New Jersey, le militant palestinien a été transféré en Louisiane, selon la base de données en ligne des détenus de l’ICE.
Un militant devenu cible
Né dans un camp de réfugiés palestiniens en Syrie, Mahmoud Khalil s’est imposé comme un acteur clé du dialogue entre les étudiants et l’administration de Columbia, en pleine contestation contre les bombardements israéliens sur Gaza.
Diplômé en décembre 2024 de l’école des affaires internationales, il a contribué à l’organisation d’un campement de protestation sur le campus, ce qui lui a valu d’être ciblé par des groupes pro-israéliens exigeant son expulsion. L’université Columbia avait finalement fait appel à la police de New York pour disperser les manifestants le 30 avril 2024.
Les militants du collectif Columbia University Apartheid Divest, auquel appartient Mahmoud Khalil, rejettent les accusations d’antisémitisme, affirmant que critiquer Israël et exprimer sa solidarité avec les Palestiniens ne relève pas de la haine antisémite. Cependant, certains étudiants juifs et israéliens disent s’être sentis menacés par ces manifestations.
L’Association des anciens élèves juifs de Columbia s’est félicitée de l’éventuelle annulation de la carte verte de Mahmoud Khalil, le qualifiant de « meneur du chaos ».
Mobilisation et réactions internationales
Depuis son arrestation, Mahmoud Khalil a reçu un important soutien : une pétition de l’Action Network réclamant sa libération a recueilli plus de 1,3 million de signatures, et un rassemblement s’est tenu devant les bureaux de l’ICE à Manhattan.
Le Conseil des relations américano-islamiques (CAIR), principal groupe de défense des droits des musulmans aux États-Unis, a dénoncé cette arrestation, rappelant que Khalil « n’a été accusé ou condamné d’aucun crime ».
L’ONU a également réagi, par la voix du porte-parole d’Antonio Guterres, rappelant « l’importance de respecter le droit à la liberté d’expression et le droit de réunion pacifique partout dans le monde ».
Columbia sous pression fédérale
L’administration Trump ne compte pas en rester là. Dans un message publié sur Thread, le président a déclaré :« Nous savons qu’il y a d’autres étudiants à Columbia et dans d’autres universités qui ont participé à des activités pro-terroristes, antisémites, anti-américaines, et le gouvernement Trump ne tolérera pas cela… »
Certains experts, comme Robert Cohen, professeur à l’université de New York et spécialiste des mouvements étudiants, mettent en garde contre la généralisation d’une rhétorique assimilant les manifestants à des « pro-jihadistes ». Il souligne que la majorité d’entre eux sont simplement opposés à la guerre en raison du grand nombre de victimes civiles.
Dans ce climat tendu, plusieurs étudiants de Columbia ont rapporté la présence d’agents fédéraux autour des résidences universitaires, cherchant à interpeller d’autres militants étrangers.
Par ailleurs, Columbia a récemment modifié son protocole de sécurité, autorisant les agents fédéraux à intervenir sans mandat en cas de « circonstances urgentes », une mesure vivement critiquée par le syndicat étudiant.
Enfin, en raison des manifestations propalestiniennes, l’administration Trump a suspendu vendredi 400 millions de dollars de subventions fédérales à Columbia, accusant l’université de ne pas lutter efficacement contre l’antisémitisme. La présidente par intérim, Katrina Armstrong, a dénoncé une décision qui « affectera immédiatement la recherche et d’autres fonctions essentielles de l’université ».
D’autres universités sont également dans le viseur du gouvernement, qui menace de couper leurs financements si elles ne garantissent pas la sécurité des étudiants juifs sur leurs campus.