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Budapest : bras de fer juridique autour de la Marche des fiertés entre le pouvoir central et la municipalité

En Hongrie, la tenue de la prochaine Marche des fiertés à Budapest est devenue le théâtre d’un affrontement institutionnel entre le gouvernement du Premier ministre Viktor Orbán et le maire de la capitale, Gergely Karácsony. L’enjeu dépasse le simple cadre de la manifestation : il soulève des questions complexes de droit public, de gouvernance locale, de libertés civiles et de rapports de force au sein de l’Union européenne.

Le 18 juin, la police hongroise a interdit la tenue de la prochaine édition de la Marche des fiertés, invoquant une loi récente entrée en vigueur en mars 2025. Ce texte, soutenu par le gouvernement de Viktor Orbán et adopté par le Parlement à forte majorité, modifie la réglementation sur les rassemblements publics. Il introduit un nouveau principe : la protection prioritaire des enfants contre les « contenus ou manifestations pouvant promouvoir des orientations sexuelles non traditionnelles ».

Selon les autorités nationales, cette législation vise à limiter l’exposition des mineurs à des messages jugés contraires aux valeurs familiales traditionnelles, considérées par le gouvernement comme un pilier de l’identité hongroise.

Face à cette interdiction, le maire de Budapest, Gergely Karácsony issu de l’opposition a annoncé que la municipalité prendrait en charge l’organisation de la manifestation sous le statut d’« événement municipal », et non comme un rassemblement public au sens strict de la loi. Par cette manœuvre juridique, la mairie entend contourner la compétence de la police nationale en matière de maintien de l’ordre.

Le maire a déclaré que la décision d’interdiction n’avait « aucune valeur juridique contraignante » pour la ville, et que l’événement se tiendrait comme prévu. Cet affrontement juridique inédit souligne les tensions croissantes entre les pouvoirs locaux et l’État central hongrois sur la question des compétences respectives.

L’affaire a rapidement pris une dimension internationale. Plusieurs dizaines de députés du Parlement européen ont annoncé leur intention de se rendre à Budapest pour assister à la manifestation. Certains responsables politiques union-européens qualifient l’interdiction hongroise de « violation des droits fondamentaux », relançant les tensions récurrentes entre Bruxelles et Budapest.

De son côté, la Commission européenne envisage d’engager une nouvelle procédure judiciaire contre la Hongrie devant la Cour de justice de l’Union européenne, au motif que cette loi enfreindrait les principes de liberté de réunion et de non-discrimination reconnus par les traités européens.

Au-delà de l’interdiction elle-même, la réforme législative autorise désormais l’usage de la reconnaissance faciale lors de manifestations interdites, dans le but de dresser des listes de participants et de sanctionner les contrevenants par des amendes administratives, pouvant atteindre plusieurs centaines d’euros.

Cette mesure, présentée par le gouvernement comme un outil de prévention des troubles à l’ordre public, alimente les craintes de dérives sécuritaires. Plusieurs organisations de défense des libertés civiles expriment leurs inquiétudes quant à l’usage massif de technologies de surveillance, qui pourraient s’étendre à d’autres domaines de la vie publique.

La séquence actuelle s’inscrit dans un contexte politique intérieur particulier en Hongrie. Viktor Orbán, au pouvoir depuis 2010, continue de consolider son socle électoral conservateur, en vue des élections législatives prévues en 2026. Les thématiques liées à la famille, à la souveraineté culturelle et à la protection de la jeunesse figurent parmi les axes majeurs de sa communication politique.

Pour l’opposition municipale de Budapest, cet affrontement représente également un levier de mobilisation contre l’autoritarisme supposé du pouvoir central, dans une Hongrie où les marges de manœuvre des contre-pouvoirs institutionnels sont souvent limitées.

Au-delà de la seule question de la Marche des fiertés, la situation à Budapest illustre plusieurs tensions sous-jacentes dans l’Union européenne actuelle :

  • les conflits de compétences entre échelons nationaux et locaux ;
  • les divergences d’interprétation sur la protection des libertés fondamentales ;
  • les débats autour de la souveraineté culturelle et des normes sociales au sein de l’espace européen.

Il est peu probable que cet épisode clos le débat : tant au niveau interne qu’à l’échelle union-européenne, la question de l’équilibre entre ordre public, valeurs traditionnelles et libertés civiles continuera d’alimenter des controverses durables.

Tourisme de masse : à Barcelone, Lisbonne, Venise, les habitants crient leur ras-le-bol

Ce dimanche 15 juin 2025, des milliers de manifestants ont investi les rues de plusieurs villes d’Europe du Sud. Derrière le mot d’ordre commun réguler le « surtourisme » c’est bien le rejet du tourisme de masse et de ses effets destructeurs qui s’est exprimé, à travers une colère de plus en plus transnationale. Une contestation de fond contre un modèle extractif qui transforme les villes en parcs d’attraction, et les habitants en figurants.

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