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Des milliards perdus à cause des cookies : l’impasse réglementaire de l’Union européenne

14,3 milliards d’euros par an. C’est le coût économique estimé des bannières de cookies imposées aux internautes résidant dans l’Union européenne. À force de vouloir encadrer la vie privée numérique, les institutions union-européennes ont semble-t-il généré une nouvelle forme de nuisance : le clic obligatoire, chronophage, répétitif, qui ralentit le travail et dilue le sens même du consentement.

Selon une étude publiée par Legiscope, les Européens passeraient collectivement 575 millions d’heures par an à cliquer sur ces fenêtres de consentement, soit près d’1h30 par utilisateur chaque année. Ce chiffre, au-delà de sa charge symbolique, traduit une situation de perte sèche de productivité pour les particuliers comme pour les entreprises.

À l’origine, les bannières de cookies sont nées d’une ambition louable : redonner aux utilisateurs le contrôle de leurs données personnelles, conformément au Règlement général sur la protection des données (RGPD) entré en vigueur en mai 2018. Mais six ans après, la pratique s’est banalisée au point de s’industrialiser dans l’inefficacité.

Une majorité d’usagers cliquent sur « Accepter » sans lire les détails. Selon plusieurs analyses indépendantes, notamment relayées par Phonandroid, plus de 90 % des sites ne respecteraient pas fidèlement les choix des utilisateurs, soit par design manipulateur, soit par inaction technique. Le « privacy washing » est devenu la norme.

Le coût direct pour les utilisateurs est estimé à 14,375 milliards d’euros par an, selon les extrapolations faites sur la base du PIB horaire moyen. À cela s’ajoutent 1,8 milliard d’euros par an pour les entreprises, en frais de conformité (outils, prestataires, gestion juridique).

Au total, ce système, qui devait rétablir un équilibre dans le numérique européen, engendre un surcoût annuel équivalant à 0,10 % du PIB de l’Union européenne. Pour une politique publique, le ratio coût/bénéfice mérite donc réévaluation.

Dans un contexte de ralentissement économique et de tensions géopolitiques, l’Union européenne cherche à promouvoir une « souveraineté numérique ». Mais peut-elle se permettre de sacrifier autant de temps et de ressources à une mécanique inefficace ?

Certaines pistes de réforme sont évoquées : bannière unique centralisée, consentement par défaut dans les navigateurs, renforcement des sanctions contre les abus. Mais aucun consensus n’émerge, tant le terrain juridique est miné par les intérêts divergents entre éditeurs, régulateurs et acteurs de la publicité ciblée.

Ce cas union-européen mérite d’être analysé au-delà du continent. Il illustre les limites d’une approche technocratique du numérique, qui, en voulant tout encadrer, finit par asphyxier l’expérience utilisateur et l’efficacité économique. Les autres ensembles géopolitiques qu’il s’agisse de l’Afrique, des États-Unis d’Amérique ou de l’Asie orientale devront tirer les leçons de cette impasse réglementaire.

La protection de la vie privée ne doit pas se transformer en rituel bureaucratique. Elle suppose une technologie compréhensible, une réelle transparence, et une exigence d’efficacité. Faute de quoi, c’est la confiance elle-même qui s’effrite, et avec elle, l’un des piliers du numérique de demain.