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Santé sexuelle après 60 ans : une réalité ignorée, un tabou persistant

Alors que l’espérance de vie s’allonge sur tous les continents, un domaine demeure enveloppé de silence : la sexualité des seniors. Après 60 ans, le désir ne s’efface pas, il se transforme. Pourtant, les sociétés peinent à reconnaître cette évidence, tant le lien entre sexualité et jeunesse reste ancré dans l’imaginaire collectif. L’invisibilisation de la vie intime des aînés reflète bien plus qu’une simple gêne : c’est un déni de leur humanité pleine et entière.

Les chiffres sont sans équivoque. Selon une étude des Petits Frères des Pauvres, 91 % des seniors vivant en couple expriment encore du désir, et 50 % rapportent une activité sexuelle régulière. Cette réalité dépasse les frontières françaises, tant les témoignages convergent également dans les sociétés africaines, souvent tiraillées entre pudeur culturelle et reconnaissance implicite de la vitalité affective des aînés.

Les faits démentent ainsi les préjugés. Vieillir n’efface ni le besoin d’intimité, ni celui de tendresse. Le corps change, le rythme aussi, mais le désir s’adapte et persiste.

Pourquoi alors un tel silence ? Parce que la sexualité des aînés dérange. Les représentations dominantes continuent de glorifier des corps jeunes, normés, standardisés. Le vieillissement est réduit à une dégradation, et non à une évolution. Cette exclusion du champ du désir entretient la marginalisation affective des seniors, en particulier des femmes, souvent perçues comme « asexuées » dès la ménopause.

Conséquence : de nombreux aînés n’osent aborder leurs questions intimes, même auprès des professionnels de santé. Troubles érectiles, sécheresse vaginale, douleurs articulaires, diminution de la lubrification : ces réalités physiologiques naturelles restent trop souvent tues, alors même qu’elles peuvent être accompagnées et surmontées.

Passé 60 ans, la sexualité se redéfinit. Moins centrée sur la performance, elle s’enrichit d’une dimension affective plus profonde. Les caresses, les confidences, les regards complices prennent le relais de l’urgence des premières années. Chez certaines femmes, l’orgasme devient même plus intense, fort d’une meilleure connaissance de soi et d’une sérénité nouvellement acquise.

Cette intimité apaisée offre des bénéfices multiples : amélioration de l’estime de soi, bien-être psychologique, renforcement du lien conjugal, et même stimulation cognitive. Car la vie affective ne s’arrête pas au seuil de l’âge : elle continue d’entretenir la joie de vivre et l’équilibre personnel.

Au fond, le tabou de la sexualité des seniors traduit une vision utilitariste et productiviste de l’existence humaine. Une société qui refuse de reconnaître le droit au désir passé un certain âge confine ses aînés dans une forme de relégation silencieuse.

Rompre avec ce non-dit suppose d’abord une prise de conscience collective :

  • Former les médecins à accueillir la parole intime des patients âgés.
  • Inclure les plus de 60 ans dans les campagnes de prévention et de santé sexuelle.
  • Représenter positivement la diversité des âges dans les médias et la culture.
  • Ouvrir des espaces de parole, où les aînés puissent exprimer leurs attentes affectives sans crainte ni honte.

La sexualité après 60 ans n’est ni marginale, ni anecdotique. Elle participe pleinement de la qualité de vie et de la dignité humaine. En brisant le tabou qui l’entoure, il ne s’agit pas seulement de parler de plaisir, mais de reconnaître aux aînés le droit fondamental de continuer à être des êtres désirants et désirables. Le silence actuel est un aveu de frilosité collective ; il est temps d’en faire un sujet légitime de société.