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Saint-Denis : des femmes archéologues victimes de harcèlement aux abords d’un chantier de fouilles

Des femmes archéologues travaillant sur un chantier de fouilles à Saint-Denis ont été confrontées à des agressions verbales sexistes et sexuelles en raison de leur tenue vestimentaire qui laissait leurs épaules découvertes.

Pendant plusieurs semaines, huit femmes archéologues, membres de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), ont subi des insultes et des remarques désobligeantes de la part de passants dans le centre de la ville de Seine-Saint-Denis. Les agressions ont porté à la fois sur leur habillement et le fait que leur profession d’archéologue ne serait pas adaptée aux femmes.

Ces scientifiques, travaillant en partie en extérieur et exposées au regard de tous, ont commencé à être victimes de ces attaques dès l’arrivée des beaux jours en mai, lorsqu’elles ont opté pour des débardeurs ou des hauts laissant leurs épaules découvertes en raison des fortes chaleurs. Ce simple changement vestimentaire a suscité des commentaires désobligeants émanant principalement de passants masculins, exprimés à travers les grilles entourant le chantier, réalisé en partenariat avec la ville.

En plus des remarques à caractère sexuel, les archéologues ont également été confrontées à des insultes concernant leurs positions corporelles de travail, car elles sont souvent accroupies au sol pour étudier les fouilles. Par ailleurs, elles ont été victimes de critiques relatives à leur choix de métier.«On pouvait entendre, “Ce n’est pas un métier de femmes”», rapporte Claude Héron, directeur de l’unité d’archéologie de la Ville de Saint-Denis, régulièrement présent sur le chantier.

Dans un autre registre, un archéologue de l’Inrap, responsable d’opération sur le chantier, a confié à nos confrères d’Actu Seine-Saint-Denis que «des riverains interpell(ai)ent les archéologues, criant au blasphème parce que des squelettes (étaie)nt étudiés ou protestant parce que le chantier impos(ait) des déviations, ce qui gêne la circulation».

«Le harcèlement de rue est un délit»

Rapidement mise au courant des faits, la Ville de Saint-Denis a répondu à la polémique naissante. Sur les réseaux sociaux, de nombreux commentaires dénoncent le possible «intégrisme» et «islamisme» des passants-agresseurs dans une ville connue pour ses dérives communautaristes. Des affirmations réfutées aussitôt par la mairie socialiste. «Aucun propos à caractère islamique et religieux» n’a été prononcé, souligne Oriane Filhol, adjointe à la mairie PS de Saint-Denis chargée des droits des femmes et de la solidarité à la mairie. «Ce n’est pas le sujet et ce n’est pas ce qu’il s’est passé», ajoute-t-elle.

Pour «protéger» les scientifiques et «faire cesser» ces «terribles» attaques, la mairie a lancé une campagne d’affiches accrochées sur les grillages du chantier. «Adoptez le bon comportement», peut-on y lire. «L’objectif est de rappeler aux gens que le harcèlement de rue est un délit, punissable par la loi», précise l’adjointe au maire. Cette loi, adoptée en 2018, considère tout «comportement à connotation sexuelle ou sexiste […] dégradant ou humiliant» comme une infraction passible d’une amende allant de 90 à 750 euros. Selon BFM, une grande partie des affiches ont aujourd’hui été arrachées.

Des patrouilles de police plus fréquentes ont aussi été déployées pour «que les gens comprennent qu’ils ne peuvent pas agir de cette sorte», ajoute Oriane Filhol. Les archéologues sont de leur côté incitées à «appeler la police municipale en cas d’agression». Dans ce cas de figure, des «caméras de surveillance pourront servir à retrouver les coupables», indique l’adjointe. À ce jour, aucun suspect n’a été interpellé. Après que son directeur général se soit rendu sur le site à Saint-Denis ce mardi, l’Inrap a annoncé dans un communiqué qu’«en lien avec ses personnels, elle n’hésitera pas à porter plainte contre ces agissements».

Mesures critiquées

Alors, ces mesures sont-elles suffisamment dissuasives ? «Ça s’est clairement calmé depuis qu’elles ont été mises en place», assure Claude Héron. «Les gens ont compris que la ville ne rigolait pas avec ce sujet», poursuit-il. Malgré tout, bâcher l’entièreté du chantier ne semble pas s’imposer comme une solution de protection des archéologues. «Nous voulons permettre aux riverains d’admirer la richesse de notre patrimoine à travers un grillage ou des fenêtres», explique Oriane Filhol. «C’est aussi pour montrer aux jeunes filles qu’il n’y a pas que les hommes comme Indiana Jones qui deviennent archéologues», détaille-t-elle.