La star états-unienne du basket féminin, Brittney Griner, détenue en Russie depuis février, a été condamnée, ce jeudi 4 août, à neuf ans de prison par un tribunal russe pour trafic de drogue, après son interpellation avec un « vapo » contenant du cannabis liquide.
La sentence est tombée pour Brittney Griner devenue un enjeu diplomatique entre Washington et Moscou. Détenue depuis février dernier en Russie, la basketteuse états-unienne a été condamné, ce jeudi 4 août, à 9 ans de prison par un tribunal russe pour trafic de drogue.
Le tribunal de Khimki, banlieue Nord de Moscou, a reconnu la joueuse coupable de possession et trafic de drogue et l’a condamnée « à neuf ans de détention dans une colonie pénitentiaire », a déclaré la juge Anna Sotnikova, selon une correspondante de l’AFP sur place. La joueuse de 31 ans nie toute contrebande. Ses avocats ont annoncé qu’elle ferait appel de sa condamnation.
Si son nom est peu connu en France, Brittany Griner, 31 ans, est l’une des grandes stars du basket féminin états-unien. Culminant à 2m06, elle officie comme pivot au Phoenix Mercury en Women’s National Basketball Association (WNBA), la ligue professionnelle de basket-ball féminin des Etats-Unis. Elle a également intégré, à six reprises (entre 2013 et 2019) l’équipe All Star, une rencontre annuelle entre les meilleures joueuses de la conférence Est et de la conférence Ouest de la WNBA. Outre ses deux titres olympiques à Rio en 2016 et Tokyo en 2021, elle a remporté la coupe du monde de basket avec les Etats-Unis en 2014 et 2018. Sa présence sur le sol russe n’a rien de surprenant ou bizarre, car Il est coutumier de voir de nombreuses joueuses de WNBA participer aux ligues européennes pendant la saison morte aux Etats-Unis, y compris dans les ligues russe et ukrainienne. Griner a ainsi joué plusieurs fois avec l’équipe russe de l’UMMC Iekaterinbourg, avec laquelle elle a remporté l’Euroligue féminine à quatre reprises.
Washington n’a pas tardé à réagir à l’annonce de la sentence.
Le président des Etats-Unis, Joe Biden, qui a désigné début juillet le sort de la basketteuse comme « une priorité », a immédiatement dénoncé sa condamnation : « C’est inacceptable et je demande à la Russie de la libérer immédiatement afin qu’elle puisse retrouver sa femme, ses proches et ses coéquipières », a-t-il exhorté dans un communiqué. « La citoyenne américaine Brittney Griner a été condamnée à une peine de prison qui n’est qu’un rappel de plus de ce que le monde savait déjà : la Russie détient Brittney à tort. ».
Depuis son arrestation en février dans un aéroport de Moscou, quelques jours avant l’offensive russe en Ukraine, Brittney Griner est plongée dans la crise géopolitique qui oppose la Russie aux États-Unis. Son procès s’est accéléré ces derniers jours, alors que les deux pays négocient un échange de prisonniers dont la joueuse pourrait faire partie, Washington affirmant avoir récemment fait une offre « conséquente » à Moscou.
Jeudi, un procureur a exigé que Griner soit « reconnue coupable et condamnée à neuf ans et demi de prison dans une colonie (pénitentiaire) à régime classique ». Il s’agit quasiment de la réquisition maximale possible pour ce crime, fixée à 10 ans de prison. Le procureur a aussi demandé de condamner la joueuse à payer une amende d’un million de roubles (environ 16 000 euros au taux actuel).
« J’ai commis une erreur de bonne foi et j’espère que le jugement ne mettra pas fin à ma vie ici », a plaidé la star internationale de basket lors de sa dernière prise de parole, avant le retrait de la cour avant l’énoncé de la décision.
La Ligue féminine nord-américaine de basket (WNBA) et la NBA ont déploré la condamnation « injuste et regrettable » de la star du basket féminin, ajoutant « le verdict (…) était prévisible, et Brittney reste détenue à tort ». « L’engagement de la WNBA en faveur de son retour en toute sécurité n’a pas faibli et nous espérons que se rapproche la fin de ce processus visant à ramener définitivement Brittney Griner aux Etats-Unis », a conclu la commissaire de la Ligue, Cathy Engelbert. La Fédération états-unienne de basket a, elle aussi, exprimé sa déception, mais pas sa surprise « compte tenu de ce que nous savons de la procédure ».
Pour le « Phoenix Mercury », son équipe de WNBA au « cœur brisé », la condamnation de Brittney Griner marque une « étape importante » dans « le cauchemar qu’endure depuis 168 jours notre sœur, BG ». « Nous ne permettrons pas qu’elle soit oubliée », a ajouté le club de l’Arizona. Avant le coup d’envoi d’un match de championnat WNBA à Connecticut, les joueuses du Mercury et du Sun ont observé 42 secondes de silence, en signe de soutien à celle qui porte ce chiffre habituellement sur son maillot.
Brittney Griter avait été arrêtée à l’aéroport avec du liquide de vapoteuse à base de cannabis. Elle a reconnu avoir été en possession de cette substance, affirmant toutefois l’avoir apportée en Russie par erreur. Elle a surtout réfuté tout trafic, soulignant que cette faible quantité de substance n’était que pour sa consommation personnelle, à des fins analgésiques, car elle souffre de douleurs chroniques comme de nombreux sportifs. « Je n’ai jamais voulu faire de mal à qui que ce soit, je n’ai jamais eu l’intention de mettre la population russe en danger, ni de violer la loi ici », a déclaré Brittney Griner. Le procureur a, lui, assuré qu’elle avait sciemment essayé de « cacher » aux douaniers le liquide à base de cannabis.
La condamnation de la joueuse ouvre légalement la voie à un possible échange de prisonniers. Ce vendredi, le chef de la diplomatie des Etats-Unis d’Amérique, Antony Blinken, et son homologue russe Sergueï Lavrov ont eu leurs premières discussions depuis le début de l’offensive de Moscou en Ukraine. Antony Blinken a indiqué avoir pressé son homologue d’accepter l »‘offre conséquente » de Washington à Moscou pour obtenir la libération de Griner et d’un autre états-unien détenu en Russie, Paul Whelan, qui purge une peine de 16 ans de prison pour espionnage.
Selon plusieurs médias états-uniens, il s’agirait d’échanger un célèbre trafiquant d’armes russe détenu aux États-Unis, Viktor Bout, contre Brittney Griner et Paul Whelan. Viktor Bout, arrêté en Thaïlande en 2008 et qui purge une peine de 25 ans de prison aux États-Unis, est surnommé le « marchand de mort ». Son parcours hors du commun a été l’une des inspirations du film « Lord of War » dans lequel Nicolas Cage joue un trafiquant d’armes des plus cyniques.

