En suivant plus de 10 000 femmes sur plus de 20 ans, des chercheurs du Centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard de Lyon ont établi un lien étroit entre cancer du sein et pollution atmosphérique.
L’exposition à cinq polluants de l’air semble bel et bien associée à un risque élevé de cancers du sein, le plus fréquent des cancers féminins, avec 58 500 nouveaux cas annuels et plus de 12 000 décès en France métropolitaine. Jusqu’à 9 % des cancers du sein pourraient être prévenus, en France, si les femmes étaient exposées à des taux de dioxyde d’azote inférieurs au seuil actuel recommandé par l’OMS, selon une nouvelle étude.
L’exposition à certains polluants atmosphériques peut augmenter le risque de cancer du sein. Ceci est confirmé par une étude réalisée sur plusieurs milliers de femmes en France, ce qui est cohérent avec d’autres études récentes. Cette étude nommée Xenair et effectuée par des membres du Centre Léon Bérard de Lyon, de Gustave Roussy, de l’Ecole Centrale de Lyon, de l’université de Leicester (Royaume-Uni), de l’INERIS, du centre Bordeaux Population Health démontre , entre autres, d’un risque élevé de cancer du sein en cas d’exposition au dioxyde d’azote.
On connaît déjà très bien les facteurs de risque génétiques ou hormonaux du cancer du sein, le plus fréquent chez la femme, et aussi ceux liés à l’âge ou au mode de vie (alcool, activité physique, etc.). Mais, ces dernières années, plusieurs études ont aussi mis en avant le rôle de certains polluants.
1.700 cancers du sein liés au dioxyde d’azote chaque année
Les auteurs d’une métanalyse parue en 2021 pointaient notamment l’exposition au dioxyde d’azote, en estimant qu’environ 1.700 cancers du sein chaque année en France pourraient y être liés. Ils jugeaient en revanche moins concluants les résultats sur le risque lié aux particules fines.
Les auteurs de l’étude Xenair ont, eux, exploré l’association entre le risque de cancer du sein et l’exposition chronique à faible dose à 8 polluants atmosphériques : les polluants ayant des propriétés xénoestrogènes – dioxines, BaP, PCB, cadmium – et des polluants auxquels l’exposition est quotidienne – particules fines (PM10 et PM2.5), dioxyde d’azote (NO2), ozone (O3) –, selon un communiqué.
Leurs travaux ont porté sur 5 222 cas de cancer du sein (diagnostiqués entre 1990 et 2011), issus d’une cohorte nationale suivie depuis vingt ans, comparés au même nombre de cas indemnes. Pour chaque polluant, des expositions moyennes et cumulées ont été estimées pour chaque femme, tenant compte notamment des lieux d’habitations.
« 9 % des cancers auraient pu être évités »
Une augmentation du risque de cancer du sein a, là encore, été mesurée en lien avec l’exposition au dioxyde d’azote. Ces résultats doivent donner lieu à une publication prochaine dans la revue « Environmental Pollution ». Un risque a aussi été mis en évidence avec BaP et PCB153, deux perturbateurs endocriniens. Les chercheurs évoquent aussi, cette fois, un risque lié aux particules fines. Mais ces résultats ne sont pas, eux, encore prêts à être publiés. Aucune association n’a été mise en évidence pour le cadmium et les dioxines, et les analyses sont en cours pour l’ozone.
Les polluants identifiés sont notamment émis par le chauffage au bois, les transports, mais également certaines industries manufacturières. Le dioxyde d’azote est notamment l’un des polluants responsables de cette augmentation des cas de cancers du sein.
Le risque augmente de 8 % à 19 %
Les appareils domestiques au gaz feraient augmenter ce risque de9 % en cas de forte exposition. Les particules fines PM10 qui peuvent être émises par des poussières de chantier ou des résidus de combustion et PM25 font exploser le risque de cancer du sein entre 8 % et 13 %.
Les polluants les plus impactant seraient le benzopyrène provoqué par la combustion des énergies fossiles et le polychlorobiphényle utilisés dans la fabrication de composants électriques et de condensateurs augmentent le risque de cancer du sein de 15 % et 19 %.
Selon les chercheurs, si l’exposition à ces polluants a diminué au fil des années, elle reste toujours bien au-dessus des recommandations de l’OMS en France.
Si l’exposition aux polluants des femmes suivies a diminué depuis 1990, ozone excepté, les niveaux d’exposition pour les dioxydes d’azote et les particules restent largement supérieurs aux recommandations sanitaires, observent les chercheurs.
Avec des niveaux d’exposition conformes aux seuils européens pour le dioxyde d’azote (40 µg/m3), « 1 % des cancers du sein de la population XENAIR auraient pu être évités » et, avec des niveaux conformes aux recommandations de l’OMS (10 µg/m3), le chiffre atteint « près de 9 % », selon le communiqué.
Charlotte Rio-Calanda