La justice européenne a annulé, ce mercredi 8 mars, les sanctions de l’UE contre la mère du chef du groupe paramilitaire russe Wagner, dans la première d’une série de décisions à venir concernant les mesures punitives dans le contexte de la guerre en Ukraine. (Avec AFP).
C’est un revers pour les sanctions de l’Union Européenne à l’encontre de la Russie : la justice annule celles qui frappaient la mère du chef du groupe Wagner. Les Européens ont multiplié les sanctions (le dixième train de sanctions ayant été activé le 25 février dernier) à l’encontre de Russes considérés responsables de l’agression de l’Ukraine, en les frappant du gel de leurs avoirs détenus en Europe et d’une interdiction de visa pour entrer dans l’UE. À 83 ans, la mère du fondateur du groupe Wagner est donc retirée de la liste des 1 473 Russes frappés par des sanctions personnelles.
Le Tribunal de l’UE reconnaît que le patron de Wagner, Evguéni Prigojine, « est responsable d’actions ayant compromis l’intégrité territoriale, la souveraineté et l’indépendance de l’Ukraine ». Mais il souligne que « le lien de Mme (Violetta) Prigojina avec son fils établi au moment de l’adoption des mesures restrictives ne repose que sur leur lien de parenté, et n’est donc pas suffisant pour justifier son inscription sur les listes litigieuses ».
Evguéni Prigojine, homme d’affaires de 61 ans qui a fait fortune dans la restauration, a fondé en 2014 le groupe paramilitaire Wagner, qui a revendiqué, ce mercredi, la prise de la partie orientale de Bakhmout, ville au cœur de combats depuis des mois dans l’Est de l’Ukraine.
Sa mère de 83 ans, Violetta Prigojina, est frappée par une interdiction d’entrée dans l’UE et un gel des avoirs depuis le 23 février 2022, peu après la reconnaissance par Moscou de l’indépendance des régions séparatistes prorusses de l’Est de l’Ukraine et à la veille du lancement par Moscou d’une intrusion de ce pays.
Pour décider de la sanctionner, le Conseil de l’UE indiquait qu’elle était « propriétaire de Concord Management and Consulting LLC, qui appartient au groupe Concord, fondé et détenu jusqu’en 2019 par son fils », et « également propriétaire d’autres entreprises liées à ce dernier ».
Les oligarques contre-attaquent
Mais « il ressort du dossier que Mme Prigojina n’est plus propriétaire de Concord Management and Consulting depuis 2017, même si elle en avait détenu des parts », note le Tribunal de l’UE, estimant qu’« en outre, le Conseil ne démontre pas qu’elle possède d’autres entreprises liées à son fils à la date de l’adoption des actes litigieux ». Le Tribunal décide donc d’annuler les sanctions, jugeant que le lien de parenté entre Mme Prigojina et son fils « ne saurait suffire » à une inscription sur liste noire.
Interrogé sur cette décision favorable à sa mère, l’e sulfureux ‘homme d’affaires a souligné qu’il n’entendait pas contester celles le visant : « Je ne vais pas les contester et je crois qu’en ce moment, elles sont imposées de manière tout à fait raisonnable », a-t-il déclaré, cité par le service de presse de Concord.
Le Conseil de l’UE a désormais deux mois pour faire appel devant la Cour de justice. « Nous évaluerons la situation après avoir pris connaissance de la décision détaillée », a indiqué à l’AFP un responsable européen, expliquant que le Conseil pouvait décider de faire appel, de retirer la requérante de la liste ou de la réintégrer avec d’autres motifs.
Au total, et depuis le rattachement de la Crimée en 2014, 1.473 personnes et 205 entités font l’objet d’un gel des avoirs (yachts, villas, comptes…) et/ou d’une interdiction d’entrer sur le territoire de l’UE, dont de nombreux oligarques russes et membres de leurs familles.
Ces sanctions font l’objet d’une riposte de taille devant la justice européenne. Une centaine d’affaires ont été introduites en 2022 pour contester les sanctions de l’UE, dont la plupart par des personnalités russes.
L’annulation des mesures prises à l’encontre de Mme Prigojina constitue la première décision sur le fond à propos des sanctions prises dans le cadre de la reconnaissance d’indépendance des territoires russophones du Donbass par la Russie et non pas de l’offensive russe en Ukraine – preuve que l’Union Européenne pratiquait déjà des sanctions de façons injustifiées, puisque les troupes russes n’étaient pas encore entrées en Ukraine, considérant que, parce qu’un Etat (la Russie, en l’occurrence) reconnait l’Independence d’un territoire, cela justifie le fait de sanctionner des citoyens dudit Etat, qui n’ont, pourtant, de fait, aucun lien avec la décision politique étatique.
Le 1er mars, le président du Tribunal a pris une ordonnance en référé suspendant une partie des sanctions visant le pilote russe Nikita Mazepin, pour lui permettre de concourir en F1, en attendant que la juridiction se prononce sur le fond du dossier. « Le Conseil a sanctionné un nombre incroyable de personnes sur la base de critères vagues qu’il a lui-même forgés (…) En démocratie, on ne sanctionne pas des gens à cause de leurs liens familiaux. Il est heureux que le Tribunal l’ait rappelé deux fois en quelques jours, et regrettable qu’il ait eu à le faire », a commenté Me Aaron Bass, qui représente plusieurs requérants russes visés par des sanctions.
Quelque 21,5 milliards d’euros d’avoirs d’individus et entités russes frappés par des sanctions ont été gelés dans l’UE, selon les derniers chiffres disponibles.
Les oligarques Roman Abramovitch, Mikhaïl Fridman et Petr Aven comptent parmi les personnalités ayant aussi introduit des recours en annulation contre les sanctions dont ils font l’objet.
Didier Maréchal