En cas de « crise majeure », le chef de l’Etat peut toujours compter sur les électeurs : Emmanuel Macron, au milieu d’une vague d’indignation sociale sur sa réforme des retraites, a répondu aux questions des lecteurs de… « Pif gadget » !
Les prises de parole du président se font rares depuis une présentation le 10 janvier sur le projet phare de son deuxième quinquennat. Mais il a accepté de s’exprimer sur le magazine pour jeune public, « Pif Gadget », à l’occasion du 75e anniversaire du célèbre chien, une interview réalisée le 20 février auprès de jeunes lecteurs et diffusée ce mercredi 29 mars.
Ses propos ont une résonance particulière au regard de la situation explosive que connaît le pays depuis le déclenchement de l’épidémie, le 16 mars du 49.3 pour que la réforme des retraites soit votée.
« Pouvez-vous quitter votre poste en plein mandat, et comment ça se passerait si vous le quittiez ? », lui demande Mélina, élève de quatrième, lors d’une rencontre à l’Elysée. « Si tu le quittes, c’est qu’il peut y avoir une énorme crise et que tu es empêché », répond Emmanuel Macron. « À ce moment-là, tu remets ton mandat aux Français, et le peuple vote à nouveau ».
Pour l’heure, le chef de l’État n’envisage ni référendum sur les retraites, ni dissolution de l’Assemblée nationale et une démission apparaît encore plus improbable. Pressé de donner des conseils à qui voudrait devenir président (comme si il en était capable lui-même… ), Emmanuel Macron insiste : « La meilleure manière d’y arriver, c’est de se faire sa propre idée des choses et de ne pas dépendre des partis des uns des autres ».
Emmanuel Macron ne dispose pas d’une majorité absolue à l’Assemblée nationale. Et la réforme des retraites cristallise le mécontentement autour de sa personne. Qu’aime-t-il dans son « métier » ? « L’échange, la rencontre, essayer de comprendre ce qui fonctionne et ne fonctionne pas dans les grands choix que je mets en œuvre ».
Ses détracteurs mettent en avant son inflexibilité sur les retraites, l’accusant de « jouer le pourrissement » de la situation. Soit « tu as pu apporter des solutions » et c’est « satisfaisant », lance Emmanuel Macron. « Soit ce n’est pas le cas, et ce sont les moments qui te touchent aussi, qui sont frustrants parce que tu vois que les choses ne vont pas assez vite ». Dans la relation entre un président et les Français, il peut y avoir de la « colère », de la « joie », « mais il n’y a pas d’indifférence », esquisse-t-il encore. Pif, personnage emblématique de la presse jeunesse, a été créé en 1948 par le dessinateur espagnol José Cabrero Arnal pour le quotidien communiste « L’Humanité ».
Le magazine Pif Gadget a, lui, été fondé en 1969, sous l’égide du Parti communiste, avant de disparaître en 1993. Après deux premières résurrections, il a été relancé en 2020, sous le nom de Pif, avec à sa tête l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Frédéric Lefebvre (ce qui peut expliquer le pourquoi de l’interview de Macron, Nicolas Sarkozy ayant appelé son ancien parti « Les Républicains » à voter en faveur de la loi sur les retraites).
Pour le président Macron, entre ses nombreuses vidéos sur son compte du réseau social Tik Tok, principalement utilisé par les non adultes, la présence d’influenceurs de jeunes à l’Elysée et, à présent, son interview dans « Pif », on peut en conclure que, soit il n’est capable que s’exprimer en influenceur pour ados, en faisant partie, lui-même, soit il prépare la génération qui pourra le ramener à l’Elysée en 2032 (puisque, comme dans pratiquement tous les pays, la loi permet à un ancien président de faire deux mandats consécutifs, autant de fois qu’il en est capable, dans la limite de se retirer le temps d’un mandat intermédiaire). Mais, à ce que Emmanuel Macron donne à voir de sa personnalité, depuis sa première campagne présidentielle, on peut se dire que les deux éventualités exprimées ci-dessus ne sont pas incomptables dans sa raison de s’exprimer autant aux plus jeunes.
Didier Maréchal & Christian Estevez