Guerre Israël-Hamas : la CPI sous pression pour délivrer des mandats d’arrêt pour « crimes de guerre » et « crimes de génocide »

Des centaines d’avocats provenant de divers pays ont déposé une plainte à la Cour pénale internationale. Bien que cette instance ait lancé une enquête il y a plusieurs années, celle-ci est restée au point mort. (Avec « Le Monde » et « Jeune Afrique »).

Des plaintes ont été déposées auprès de la Cour pénale internationale, à La Haye, visant à la fois le Hamas et l’armée israélienne.

Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, « a promis qu’il n’oublierait pas les enfants de Gaza. Nous, civils, avons besoin de toute urgence qu’il tienne sa promesse », a écrit Raji Sourani sur le site « Democracy Now », le 10 novembre dernier. La maison de l’avocat palestinien, spécialiste de la défense des droits Humains, a été détruite dans les bombardements israéliens qui s’abattent sur la bande de Gaza en représailles à l’attaque du Hamas du 7 octobre, qui a fait 1 200 morts. Puis, comme dans un château de cartes, celle d’un proche dans laquelle ils s’étaient réfugiés. Mais son combat et celui de son ONG, « le Centre palestinien pour les droits de l’homme » (PCHR), ne marquent aucune trêve.

En un peu plus d’un mois, plus de 11 000 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, selon le ministère de la santé du territoire administré par le Hamas. Le 9 novembre, les ONG PCHR, Al-Haq et Al Mezan ont demandé à la CPI « de délivrer rapidement des mandats d’arrêt contre les personnes soupçonnées de ces crimes au sein de l’appareil politique, militaire et administratif » israélien.

Dans leur signalement au procureur, les trois organisations citent le président Isaac Herzog, le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, et le ministre de la défense, Yoav Gallant. Leur avocat français, Emmanuel Daoud, évoque des « crimes de génocide », « d’incitation au génocide », des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité ». « Un génocide en cours », c’est aussi ce que dénoncent plus d’une centaine d’associations et près de trois cents avocats qui se sont joints au document déposé le 9 novembre par les avocats Gilles Devers et Khaled Al-Shouli.

À travers cette nouvelle plainte, faisant suite aux représailles de Tsahal sur Gaza depuis l’attaque terroriste du Hamas en Israël le 7 octobre, «nous demandons au procureur de la CPI, Karim Khan, de se pencher sur la situation actuelle et de réunir les preuves d’un génocide. Mais pour cela, encore faut-il avoir les moyens d’enquêter et de lancer un mandat d’arrêt à l’encontre de Benyamin Netanyahou, le Premier ministre israélien », souligne Me. Gilles Devers. Or, force est de constater que la justice internationale est particulièrement lente lorsqu’il s’agit de ce conflit au Proche-Orient.

En mars 2021, le bureau du procureur de la CPI avait déjà entamé une enquête sur les crimes perpétrés en Palestine depuis la guerre de Gaza de 2014. Cependant, cette initiative s’est avérée infructueuse. À cette époque, Israël, tout comme les États-Unis d’Amérique, ne reconnaissait pas l’autorité de la CPI. Benyamin Netanyahou avait exprimé le refus d’Israël de coopérer à l’enquête et rejeté toutes les accusations. En revanche, depuis 2015, la Palestine a ratifié la convention de Rome qui a instauré la CPI, conférant ainsi à cette juridiction le pouvoir de traiter une plainte et de mener une enquête. Cependant, ceci demeure principalement théorique.

Dans la pratique, la CPI fait face à d’importantes pressions politiques, à une propagation massive de désinformation, et doit faire face à des lacunes en ressources humaines et financières. Sous la direction de Karim Khan, le budget annuel alloué à la CPI pour mener des enquêtes en Palestine a augmenté pour atteindre près d’un million d’euros. Cependant, cela demeure insuffisant pour aborder une situation aussi complexe et durable dans le temps. Malgré les assurances du procureur concernant la prise en compte des « enfants de Gaza », l’enquête de la CPI semble être à l’arrêt, d’après Francesca Albanese, rapporteuse spéciale du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme (OHCHR).

En attendant, Me Devers et ses homologues font des pieds et des mains pour que le dossier avance. Depuis le 16 novembre, ils collectent les plaintes des civils de Gaza victimes des bombardements, et qui ont perdu leurs familles et leurs maisons. « Ensuite, nous aimerions avoir une réunion directe avec le procureur d’ici à la semaine prochaine », ajoute celui que le quotidien français « Le Monde » a présenté comme « l’avocat du Hamas ».

Le 9 octobre, le mouvement palestinien devait d’ailleurs déposer une plainte devant la CPI « sous la forme d’un épais volume de 400 pages, détaillant les violations des droits de l’Homme commises par Israël à Jérusalem, notamment la colonisation et les transferts forcés d’une population délogée par des colons juifs », détaille le journal. Mais avec l’attaque terroriste du 7 octobre, l’initiative a été gelée. Me Devers, quant à lui, précise qu’il a officié en tant qu’avocat pour « tout le monde en Palestine », dont l’Autorité palestinienne, le gouvernement palestinien d’union nationale (en 2014), et émis des signalements auprès de la CPI pour crime de guerres et/ou crime contre l’Humanité en Palestine depuis une décennie.

Et aujourd’hui, il est loin d’être le seul. La juridiction internationale fait actuellement face à une certaine pression pour délivrer des mandats d’arrêt contre les personnes soupçonnées de ces crimes au sein de l’appareil politique, militaire et administratif israélien. C’est par exemple ce qu’ont exigé les ONG PCHR (Centre palestinien pour les droits de l’homme), Al-Haq et Al Mezan. La Belgique, l’un des rares pays occidentaux à se montrer très critique à l’égard des agissements du gouvernement israélien (tout simplement du fait que ce soit le pays d’Europe le plus islamisé – en tout premier lieu par les réseaux intégristes comme « Les frères musulmans), a, elle aussi, demandé l’ouverture d’une enquête et proposé d’allouer des fonds plus importants à la CPI. L’Algérie et l’Afrique du Sud ont elles aussi déposé chacune une plainte contre Israël.

Pour beaucoup, il en va de la crédibilité de cette instance internationale. « Un génocide, c’est un crime de masse. Nous en sommes déjà à 12 000 morts à Gaza dont 95 % de civils. L’électricité est coupée, les convois alimentaires sont bloqués, les civils sont bombardés. Israël le reconnaît et l’ONU aussi. A priori, il existe beaucoup d’éléments pour mener une enquête », abonde Me Devers, qui dispose déjà d’une équipe chargée de documenter l’ensemble des crimes dont il accuse Tel-Aviv.

Galvauder la notion de « génocide » par idéologie victimaire

Sauf que Me Devers ment, et, le plus grave, est qu’il le fait sciemment. Non, un « génocide », ce n’est pas un « crime de masse », comme il en fait le honteux raccourci.

Très précisément, la définition de « Génocide », dans son acception courante actuelle, est : crime consistant en l’élimination concrète intentionnelle, totale ou partielle, d’un groupe national, ethnique ou encore religieux, en tant que tel, ce qui veut dire que des membres du groupe sont tués, brisés mentalement et physiquement, ou rendus incapables de procréer, en vue de rendre difficile ou impossible la vie du groupe ainsi réduit. Le génocide peut être perpétré par divers moyens, le plus répandu et le plus évident étant le meurtre collectif. De plus, le génocide est : programmé, systématique, et radical dans ses intentions.

De fait, sont, concrètement, des génocides, entre autres : la Shoa (génocide des nazis sur les juifs, durant la seconde guerre mondiale), le génocide arménien (perpétué par les ottomans entre avril 1915 et août 1916) et le génocide des Tutsis au Rwanda. d’autres actes à but génocidaires, également perpétués par les ottomans sur les populations d’Europe de l’Est, d’Europe du Sud Est et d’Europe Centrale à partir de la fin du XVème siècle, le génocide d’Amérique du Nord sur les autochtones (appelés, de façon erronée, « amérindiens ») , ou encore les génocides d’ethnies noires africaines par les arabes, par le moyen de la castration de tous les mâles.

Mais, dans l’attaque de l’armée israélienne sur la bande de Gaza, rien de concret dans les faits n’autorise à qualifier cela de « génocide », puisqu’il n’y a pas volonté d’exterminer les palestiniens – au contraire du but avoué par le Hamas, depuis 1988 (soit moins d’un an après sa création), et qui se trouve comme axe central de sa « charte », et qui est d’exterminer tous les juifs vivant dans l’actuel Israël et sur la totalité de la « Palestine ».

Didier Maréchal & Christian Estevez

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