Le parti néerlandais « d’extrême droite » de Geert Wilders a remporté les élections législatives qui se sont tenues ce mercredi 22 novembre 2023, ce qui pourrait provoquer un séisme politique dont les répercussions se feront sentir bien au-delà des frontières des Pays-Bas. (Source : AFP).
Le parti néerlandais « d’extrême droite » de Geert Wilders est arrivé largement en tête des élections législatives ce mercredi 22 novembre, aux Pays-Bas. Un séisme électoral qui risque d’être ressenti dans toute l’Europe et au-delà.
Le « PVV » (Parti de la Liberté) a, selon l’institut Ipsos, remporté 35 sièges sur 150, une victoire considérée comme très confortable dans une chambre basse particulièrement morcelée. L’alliance gauche-écologistes de Frans Timmermans est deuxième avec 25 sièges, tandis que le « VVD » de centre-droit a remporté 24 sièges.
Le message anti-immigration de Geert Wilders semble avoir trouvé un écho auprès des électeurs néerlandais, mais l’homme politique est loin d’être assuré de devenir Premier ministre. Le « PVV » « ne peut plus être ignoré », a-t-il martelé, appelant les autres partis à travailler ensemble pour former une coalition.
Avant les élections, les dirigeants des trois autres grands partis avaient assuré qu’ils ne participeraient pas à une coalition dirigée par le PVV. Mais à la sortie des urnes, le populaire et « populiste » Pieter Omtzigt s’est dit « disponible » pour diriger les Pays-Bas tout en concédant que le processus ne serait « pas facile ». Son parti « Nouveau Contrat Social » (NSC), créé l’été dernier, aurait remporté 20 sièges. Frans Timmermans a lui d’emblée rejeté l’idée de rejoindre une coalition de Geert Wilders. « Le moment est venu pour nous de défendre la démocratie », a-t-il déclaré.
« C’est une victoire écrasante et cela instaure une toute nouvelle dynamique », a déclaré à l’AFP Diederick van Wijk, de l’Institut Clingendael. Les autres partis ont commis une erreur stratégique en se concentrant sur l’immigration, faisant ainsi le jeu du « PVV », estime-t-il. « Un Premier ministre Wilders pourrait être à notre portée », a-t-il ajouté.
Si elle est confirmée par les résultats définitifs, la victoire de Geert Wilders marque un brusque virage à droite qui sera accueilli avec appréhension à Bruxelles : le « PVV » ayant promis, notamment, un référendum sur l’adhésion des Pays-Bas à l’Union Européenne.
Le premier ministre nationaliste hongrois Viktor Orban a salué, sur « X » « les vents du changement » après la victoire annoncée de Geert Wilders. La présidente du groupe « Rassemblement national », à l’Assemblée nationale française, Marine Le Pen, a félicité Geert Wilders et son parti pour « leur performance spectaculaire ».
« Tsunami’
Geert Wilders est parfois qualifié de « Trump néerlandais », sa chevelure contribuant à la comparaison, mais en fait il est entré en politique longtemps avant l’ancien président états-unien. N’hésitant pas à traiter les Marocains de « racailles » ni à proposer des concours de caricatures du « prophète Mahomet », Geert Wilders a bâti sa carrière en faisant croisade contre ce qu’il nomme une « invasion islamique » de l’Occident. Ni les démêlés avec la justice néerlandaise – qui l’a reconnu coupable d’insultes envers des Marocains – ni les menaces de mort à son encontre – qui font qu’il vie sous protection policière depuis 2004 – ne l’ont découragé.
Plus récemment, Geert Wilders a tenté de calmer sa rhétorique « populiste » et de se concentrer sur d’autres préoccupations des électeurs. Il y a « des problèmes plus importants que la lutte contre le flot de demandeurs d’asile et d’immigrants », a-t-il déclaré lors de l’un des derniers débats électoraux, ajoutant qu’il était prêt à mettre de côté ses opinions sur l’islam pour gouverner.
Si l’immigration est restée un sujet clé de la compagne, les Néerlandais s’inquiètent encore plus de « savoir s’il leur reste encore plus d’argent dans leur portefeuille », a-t-il martelé. Il a également assuré devant des journalistes à La Haye, après avoir voté, qu’il serait Premier ministre pour « tout le monde aux Pays-Bas, quels que soient leur religion, leur origine, leur sexe ou autre ».
« Nexit »
Mais le manifeste du « PVV » a conservé le ton nationaliste qui est sa marque de fabrique. « Les Néerlandais espèrent que le peuple pourra récupérer leur pays et que nous veillerons à ce que le tsunami des demandeurs d’asile et de l’immigration soit réduit », a par ailleurs déclaré Geert Wilders à ses partisans enthousiastes à La Haye.
« Une période très difficile commence pour les musulmans », a déclaré à l’agence de presse néerlandaise « ANP » Muhsin Köktas, de l’organisme de contact pour les musulmans et le gouvernement (CMO). Les mesures anti immigration proposées comprennent le rétablissement du contrôle aux frontières néerlandaises, la détention et l’expulsion des immigrants illégaux, le renvoi des demandeurs d’asile syriens et la réintroduction des permis de travail pour les travailleurs intra-UE. Quant à l’islam, le manifeste du PVV dit que « les Pays-Bas ne sont pas un pays islamique. Pas d’écoles, de Corans et de mosquées islamiques. »
En matière de politique étrangère, Geert Wilders défend une approche « les Pays-Bas d’abord », qui comprend la fermeture de sa représentation à Ramallah et le renforcement des liens avec Israël, notamment le déplacement de son ambassade à Jérusalem – d’où l’incongruité de le classer à « l’extrême droite », cette idéologie étant, par essence antisémite, mais qui est d’office utiliser pour disqualifier toute personne et/ou tout parti nationaliste.
Geert Wilders participait à sa sixième élection, après avoir failli à provoquer la surprise à plusieurs reprises. « Quand j’ai quitté mon ancien parti [le VVD], […] j’ai dit qu’un jour nous deviendrons le plus grand parti », avait lancé Geert Wilders aux journalistes en votant.
Reste, à présent, à Geert Wilders, de réussir à fédérer, sous son nom et son parti, assez de partis pour s’assurer une majorité au parlement néerlandais, et, ainsi, composer un gouvernement dont il serait le premier ministre. Les élections, particulièrement en Espagne, mais aussi en Pologne ont démontré que le mode de gouvernance qu’utilisent ces pays, n’est plus viable pour permettre à la majorité de votants de pouvoir être représentés par un gouvernement correspondant à leur choix, leurs candidats, bien que vainqueurs, n’arrivant pas à trouver assez d’alliés politiques et devant, par conséquent, abandonné la gouvernance du pays à des alliances de partis ayant, pourtant largement perdu les élections individuellement.
Joseph Kouamé & Christian Estevez