Thaïlande : comment le gouvernement à fait pour obtenir la libération de certains de ses citoyens retenus par le Hamas

Bangkok a intensifié ses efforts diplomatiques, surtout avec Téhéran, un soutien du Hamas au Proche-Orient, dans le but de récupérer dix travailleurs agricoles pris en otage par le Hamas le 7 octobre.

Alors que les otages israéliens du Hamas sont libérés par vagues durant la trêve, des otages Thaïlandais profitent d’un dialogue privilégié entre le Hamas et Téhéran pour être libérés dans le cadre d’un autre accord. Lors de son attaque, qui a depuis déclenché une résurgence du conflit au Proche-Orient, l’organisation terroriste Hamas avait pris en otage plusieurs ouvriers agricoles thaïlandais employés dans des kibboutz israéliens. Un membre de l’équipe de négociation thaïlandaise avait affirmé, le 16 novembre, que 25 d’entre eux étaient aux mains du Hamas, alors que 39 avaient été tués lors de l’attaque terroriste de ce dernier.

La libération de dix otages thaïlandais, vendredi 24 novembre, dans le cadre de la trêve de quatre jours agréée entre Israël et le Hamas, couronne un mois d’activité diplomatique frénétique de la part d’un pays qui se veut neutre et ami de tous mais qui est peu investi au Proche-Orient. Le gouvernement de Srettha Thavisin n’est entré en fonctions que fin août, et la crise des otages a été son baptême du feu. Trente-neuf Thaïlandais sont morts sous les balles du Hamas le 7 octobre dernier. Vingt autres restent à ce jour captifs à Gaza. Tous faisaient partie des 30 000 ouvriers agricoles thaïlandais employés dans des kibboutz israéliens dans le cadre d’un accord entre les deux pays.

Face à cette situation inédite pour le gouvernement fraîchement élu cet été en Thaïlande, le journal français « Le Monde » explique que Bangkok a fait le choix de miser rapidement sur sa neutralité dans le conflit israélo-palestinien et le rapprochement stratégique avec plusieurs pays musulmans influents dans la région, en particulier l’Iran, principal soutien politique et financier du Hamas au Proche-Orient. Les réseaux de la Thaïlande et son héritage musulman l’ont donc conduit à se rapprocher d’une branche malaisienne du Hamas afin d’obtenir un interlocuteur privilégié pour obtenir la libération des otages. Ce qui avait conduit, le 26 octobre, à une rencontre « de deux heures » -selon le journal anglais « The Guardian »- dans la capitale iranienne entre des conseillers du président de l’Assemblée thaïlandaise, Wan Muhamad Noor Matha, et des représentants du Hamas. Lors de cette entrevue, il fut convenu que les otages thaïlandais seraient tous libérés, à condition qu’une trêve ait lieu à Gaza. Ce qui est désormais le cas.

« The Guardian » relate d’ailleurs, dans un autre article, que les représentants du Hamas rencontrés en Iran ont été particulièrement attentifs aux demandes thaïlandaises. « Ils ont reconnu nos inquiétudes car ils savent que la Thaïlande a offert de la bonté et des avantages à la communauté musulmane… Ils respectent la Thaïlande », comme l’a confié Areepen Uttarasin, l’un des principaux négociateurs thaïlandais.

Fin octobre toujours, une nouvelle rencontre a lieu au Qatar, autour des ministres des Affaires étrangères de Thaïlande, d’Iran et du Qatar. L’occasion pour Téhéran d’afficher « le soutien total de l’Iran » pour Bangkok.

Un accord sans contrepartie

Ainsi, il est moins difficile de comprendre pourquoi des otages thaïlandais ont directement été libérés ces vendredi 24 et samedi 25 novembre par le Hamas, sans être pris en compte dans le nombre d’otages libérés grâce à l’accord négocié par le Qatar, avec le soutien de l’Égypte et des États-Unis d’Amérique.

Selon les chiffres fournis par le Premier ministre thaïlandais Srettha Thavisin, sur « X », 10 ouvriers ont d’abord été libérés vendredi, puis quatre samedi, grâce à la promesse du Hamas et le soutien de l’Iran.

Le ministère thaïlandais des Affaires étrangères estime désormais que 20 ressortissants thaïlandais sont toujours captifs à Gaza, mais conserve la promesse du Hamas de tous les voir libérer d’ici les prochains jours sans véritable contrepartie.

Le statut privilégié de l’Iran vis-à-vis du Hamas a donc joué un rôle crucial pour la Thaïlande. Ce qu’elle n’a pas oublié de souligner lors de la première vague de libérations. Des remerciements adressés à « tous ceux à qui [la Thaïlande] a demandé de l’aide, à savoir les gouvernements du Qatar, d’Israël, d’Égypte, d’Iran, de Malaisie et le Comité international de la Croix-Rouge ».

Pourtant, l’influence de l’Iran aurait pu permettre de libérer bien plus tôt les otages thaïlandais. C’est ce qu’expliquait mi-octobre Seyed Reza Nobakhti, ambassadeur d’Iran en Thaïlande, cité par Franceinfo : « Les efforts sont déployés, mais le problème c’est qu’ils ne parviennent pas à les sortir de Gaza. À chaque fois qu’ils essaient de déplacer des otages, ils sont bombardés », expliquait-il en référence aux lourdes représailles israéliennes sur la bande de Gaza. Raison pour laquelle, la trêve est rapidement devenue la condition sine qua non du Hamas pour libérer des otages, quelle que soit leur nationalité.

Joseph Kouamé

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