Mardi dernier , le secrétaire états-unien à la Défense, Lloyd Austin, a vivement condamné les attaques « sans précédent » menées par les rebelles Houthis du Yémen contre la navigation internationale en mer Rouge, les qualifiant de « menace » pour le commerce mondial.
« Austin a condamné les attaques des Houthis contre la navigation internationale et le commerce mondial, les qualifiant de sans précédent et d’inacceptables, en soulignant que ces attaques menaçaient la libre-circulation du commerce », a déclaré l’attaché de presse du Pentagone, le général de division Pat Ryder, dans un communiqué.
Face à la récurrence des attaques des rebelles houthis du Yémen visant le transport maritime en mer Rouge, une coalition de 10 pays, dont la France, s’est formée suite à l’appel des États-Unis d’Amérique afin de rétablir la stabilité dans la région. Le Royaume-Uni, le Canada, l’Italie, Bahreïn, les Pays-Bas, la Norvège, l’Espagne et les Seychelles sont également impliqués dans cette opération nommée « Prosperity Guardian ». Il est important de rappeler qu’une force maritime combinée, regroupant 39 nations, est déjà mobilisée pour garantir la liberté de navigation.
Le destroyer britannique HMS Diamond a ainsi rejoint la coalition, a annoncé mardi le ministère britannique de la Défense après une réunion virtuelle de plus de 20 pays. Arrivé pendant le week-end dans la mer Rouge, le navire de guerre, présenté par Londres comme « l’un des plus modernes de la Royal Navy », s’ajoute ainsi à une force comprenant trois destroyers états-uniens et une frégate française, a précisé le ministère dans un communiqué. Rome a également annoncé, mardi, l’envoi « dans les prochaines heures » d’une frégate.
En réaction à l’annonce de la création d’une coalition de dix pays pour mettre fin aux attaques de missiles et de drones des Houthis, les rebelles, soutenus par l’Iran, ont déclaré, ce même mardi, qu’ils ne cesseraient pas leurs attaques. « Même si l’Amérique mobilise le monde entier, nos opérations militaires ne s’arrêteront pas (…) quels que soient les sacrifices que cela nous coûte », a déclaré Mohammed al-Bukhaiti, un haut responsable des Houthis, sur le réseau social « X ». Il a ajouté que ces attaques s’arrêteraient seulement « si Israël cesse ses crimes et que la nourriture, les médicaments et le carburant parviennent à la population assiégée », de la bande de Gaza.
Contrôlant une bonne partie du Yémen, ces derniers ont prévenu qu’ils viseraient des navires naviguant au large des côtes du pays s’ils ont des liens avec Israël, en riposte à la guerre entre Israël et le mouvement terroriste islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza. Samedi dernier, un responsable houthi avait déclaré à la chaîne de télévision « Al Mayadine » que toute action hostile contre le Yémen aurait des conséquences désastreuses. « Le Yémen est prêt, avec toutes ses options défensives, à répondre à toute manœuvre hostile des Etats-Unis, d’Israël ou de l’Occident », avait-il indiqué.
Les bateaux changent d’itinéraire
La formation de cette coalition intervient après une nouvelle journée de haute tension en mer Rouge, marquée par de nouvelles attaques visant deux navires « liés à Israël », selon les rebelles chiites, et la décision de l’armateur de Hongkong « Evergreen » et du pétrolier britannique « BP » de renoncer à transiter par la zone. Une décision similaire à celle prise depuis vendredi par « Maersk », « CMA » « CGM » (propriétaire du journal « La Tribune »), « Hapag-Lloyd » et « MSC ». Tous contournent désormais l’Afrique par le Cap de la Bonne Espérance, un itinéraire qui allonge la durée de transport de deux à trois semaines pour un tanker, d’une semaine pour un navire de commerce moyen, et augmente les coûts.
Coup de chaud sur les cours du pétrole
La décision de BP a provoqué une remontée des cours du pétrole ce lundi 18 décembre. Le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en février a pris 1,82%, pour clôturer à 77,95 dollars. Son équivalent états-unien, le « West Texas Intermediate » (WTI), avec échéance en janvier, a lui gagné 1,45%, à 72,47 dollars. Jusqu’ici, les mesures de contournement concernaient surtout les porte-conteneurs, « mais cela n’affectait pas le marché du pétrole », a expliqué Matt Smith, de Kepler.
Pour les cargos, les primes d’assurance augmentent. Selon le site « The Insurer », les tarifs pour couvrir les cargos désireux d’emprunter ce parcours qui mène au canal de Suez vers le Nord ont été décuplés avec la multiplication des tirs attribués aux Houthis. Pour Matt Smith, cette situation est « tout particulièrement préjudiciable à la Russie », pour qui la route de la mer Rouge est essentielle aux livraisons de clients majeurs, principalement la Chine et l’Inde.
Avec les forces militaires, « la situation devrait se résoudre rapidement », selon Matt Smith, qui ne prévoit pas d’effet prolongé sur le marché de l’or noir. La température a d’ailleurs baissé en fin de séance, le WTI ne glanant que 1,45% après être monté jusqu’à près de 4% un peu plus tôt (+3,96%).
La mer Rouge est une « autoroute de la mer »
La mer Rouge est une « autoroute de la mer » reliant la Méditerranée à l’océan Indien, et donc l’Europe à l’Asie. Environ 20 000 navires transitent chaque année par le canal de Suez, porte d’entrée et de sortie des navires passant par la mer Rouge. Selon la Chambre internationale de la marine marchande (ICS) basée à Londres, 12% du commerce mondial passe normalement par la mer Rouge. Selon Jean-Philippe Casanova, délégué général d’ « Armateurs de France », de 200 à 250 navires de commerce qui vont vers le Moyen-Orient sont contrôlés par des armateurs français tous les ans, « ce qui fait entre 800 et 900 passages dans la région par an ».
Joseph Kouamé