Le Premier ministre nationaliste hindou, Narendra Modi, a inauguré le temple de Ram à Ayodhya ce 22 janvier, un acte politique et idéologique stratégique à quelques mois des élections législatives pour son troisième mandat.
Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a inauguré, ce lundi 22 janvier, dans le Nord du pays, un temple symbolisant le triomphe de sa politique nationaliste hindouiste, sur un site autrefois occupé par une mosquée dont la destruction avait déclenché de violentes émeutes religieuses.
Vêtu d’un habit traditionnel couleur or, le Premier ministre a dévoilé une statue noire dédiée au dieu Rama au cœur du nouveau temple de 50 mètres de haut dans la ville d’Ayodhya. « Le 22 janvier 2024 n’est pas seulement une date du calendrier, mais annonce l’avènement d’une nouvelle ère », a-t-il déclaré.
Le Premier ministre Narendra Modi a déclaré : “C’est un temple de la conscience nationale sous la forme de Rama. Rama est la foi de l’Inde, Rama est le fondement de l’Inde. Rama est l’idée de l’Inde, Rama est la loi de l’Inde. Rama est le prestige de l’Inde, Rama est la gloire de l’Inde… Rama est le leader et Rama est la politique. Rama est éternel… Lorsque Rama est honoré, son effet ne dure pas des années ou des siècles, son l’effet dure des milliers d’années.” »
Le temple a été érigé sur le site précédent d’une mosquée détruite par des extrémistes hindous en 1992. Cette démolition, soutenue par des membres du parti au pouvoir, a déclenché les pires émeutes religieuses depuis l’indépendance (15 août 1947), provoquant environ 2 000 décès, principalement parmi la communauté musulmane. Ces événements ont également ébranlé la politique officiellement laïque de l’Inde.
Départ d’une campagne
À l’extérieur, des dizaines de milliers de fidèles ont envahi les rues de la ville, chantant, dansant, agitant des drapeaux, klaxonnant et battant des tambours, sous une pluie de pétales de fleurs déversée par des hélicoptères militaires. Pour le « Bharatiya Janata Party » (BJP), parti nationaliste hindou au pouvoir, l’inauguration du temple Ram Mandir couronne des décennies d’efforts visant à recentrer la politique du pays sur la religion majoritaire. C’est également une manière officieuse de lancer la campagne en vue de la réélection de Narendra Modi.
Environ 2 500 musiciens doivent se produire sur plus de 100 scènes devant la foule de pèlerins. Beaucoup de ces derniers ont marché pendant des jours pour atteindre le temple dont la construction a coûté environ 240 millions de dollars, financés par des dons du public selon les autorités.
Des journées de marches pour venir voir le temple
Vijay Kumar, 18 ans, a mis quatre jours pour atteindre la ville après avoir parcouru 600 kilomètres à pied et en auto-stop. « Nous voulions être ici », a-t-il déclaré. « Nous souhaitons juste voir le temple avant de partir ».
Les 140 kilomètres qui séparent le temple de la ville de Lucknow, la capitale de l’État de l’Uttar Pradesh, sont bordés de panneaux représentant le dieu Rama à la peau bleue avec un arc et des flèches, ainsi que des portraits de Narendra Modi et du ministre en chef de la région, le moine hindou Yogi Adityanath.
« Tout cela est à cause de Modi », estime Prem Sharan, un habitant de 35 ans d’Ayodhya. « Certains disent que l’évènement est transformé pour prendre une tournure électoraliste. Qu’il en soit ainsi. Au moins, ils font ce qu’ils ont promis et il faut avoir le pouvoir de faire les choses pour le peuple ».
D’autres pèlerins sont arrivés à l’aéroport international nouvellement construit et séjourneront dans des hôtels prévus pour accueillir les millions de pèlerins attendus chaque année. Quelques célébrités devraient assister à la cérémonie d’inauguration, dont l’ancien capitaine de l’équipe nationale de cricket, Virat Kohli, et la vedette du cinéma de Bollywood Amitabh Bachchan.
« Mort et destruction »
Narendra Modi et le BJP ont cherché à promouvoir l’hindouisme et à le mettre au premier plan depuis leur arrivée au pouvoir il y a dix ans. Les hindous croient que Rama, l’un des dieux les plus vénérés du panthéon, est né dans la ville d’Ayodhya il y a plus de 7 000 ans et que la mosquée Babri a été construite sur son lieu de naissance par un empereur musulman du XVIe siècle (le Djihad musulman a touché l’Inde dès l’an 711 de l’ère commune – ayant, pour effet de diffuser les mathématiques indiennes, dont la notion du « O » – zéro » – et gardant les caractères sanskrits pour les chiffres – contrairement à ce qui est toujours affirmé comme étant des découvertes arabes – et la présence musulmane a augmentée par une seconde vague de marins et commerçants arabe, venus par l’Océan Indien. Une seconde vague de conquêtes de l’Inde par des empires et royaumes musulmans s’est déroulée à partir du XIe siècle de l’ère commune conduisant à six siècles de domination du pays par des rois musulmans – le mondialement célèbre Taj Mahal est, lui-même, un palais funéraire musulman et non pas hindou).
Le BJP, qui n’était pas encore au pouvoir, a joué un rôle déterminant dans la campagne qui a débouché sur la destruction de la mosquée, en organisant des processions à travers le pays qui ont déclenché de multiples émeutes religieuses dans leur sillage.
L’inauguration du temple par Narendra Modi aux côtés de prêtres hindous devrait renforcer sa posture de défenseur de la foi, avant les élections législatives d’avril. Le BJP est largement favori pour remporter une troisième victoire consécutive, en partie grâce à la politique pro-hindoue du Premier ministre. Les partis d’opposition boycottent la cérémonie, affirmant qu’il s’agit d’un événement à vocation électoraliste.
Parmi les 200 millions de musulmans indiens, déjà inquiets après une augmentation des tensions interreligieuses, beaucoup observent l’évènement avec appréhension. Mohammed Shahid, un musulman de 52 ans, se remémore comment son père a été brûlé vif par une foule hindoue pendant les violences qui se sont déchaînées dans la ville il y a plus de trois décennies. « Pour moi, le temple ne symbolise rien d’autre que la mort et la destruction », dit-il.
Joseph Kouamé & Christian Estevez
Une réflexion sur « Inde : le premier ministre Modi inaugure un temple sur les ruines d’une mosquée rasée, lançant sa campagne électorale »