Ce jeudi 14 mars, à Dakar, l’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son allié, le candidat indépendant à l’élection présidentielle du 24 mars, Bassirou Diomaye Faye, ont été libérés de prison, comme l’a annoncé l’un de leurs avocats. (Sources : AFP et Reuters).
Le Parlement a adopté, le 6 mars dernier, un projet de loi d’amnistie souhaité par Macky Sall. Leur première déclaration publique est prévue lors d’une conférence de presse ce vendredi 15 mars.
L’opposant sénégalais Ousmane Sonko et son second, Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle au Sénégal, sont sortis de prison à dix jours de l’élection. Vendredi 15 mars, le Sénégal guette la première prise de parole depuis des mois des opposants antisystème, à même désormais de conduire la campagne de la présidentielle forts de l’exaltation soulevée par leur sortie de prison.
« Ils sont sortis devant nous. Ça y est », a dit à l’AFP un de leurs avocats, Me Cheikh Koureyssi Ba. Un journaliste de l’AFP a vu un 4X4 s’éloigner en cortège de la prison du cap Manuel à travers une foule considérable drainée par la nouvelle de la libération. Deux heures plus tard, alors que le cortège progressait lentement dans Dakar, des journalistes de l’AFP ont vu Bassirou Diomaye Faye, tunique bleu ciel et casquette blanche, saluer la foule en souriant depuis le toit ouvrant de sa voiture qui entourait son cortège. « On a vu votre soutien et votre solidarité. Nous sommes très contents », a-t-il lancé, avant d’ajouter : « Sonko est libre » et d’annoncer la tenue d’une conférence de presse ce vendredi. Ousmane Sonko n’était pas visible dans le convoi de Bassirou Diomaye Faye.
Ousmane Sonko, acteur principal d’un bras de fer meurtrier avec le pouvoir depuis 2021, a été disqualifié de la présidentielle par le Conseil constitutionnel en janvier dernier. Son camp, avec son assentiment, a désigné Bassirou Diomaye Faye comme candidat à sa place. La candidature de Bassirou Diomaye Faye fait partie des 19 retenues pour le scrutin du 24 mars.
Le rassemblement spontané autour des deux hommes est le plus important provoqué par aucun des 19 candidats depuis le lancement de la campagne. Il confirme la capacité de traction de Bassirou Diomaye Faye et bien plus encore d’Ousmane Sonko, dont le nom était dans toutes les bouches bien que ce ne soit pas lui le candidat. Cet effet d’entraînement va être mis à l’épreuve de la campagne.
La campagne officielle s’est ouverte le 9 mars 2024 sans que ces derniers n’y prennent part. Bassirou Diomaye Faye a été empêché d’enregistrer ses messages de propagande électorale pour la télévision publique. Son camp a fait campagne pour lui et présenté en son absence le programme d’un homme qui se veut le « candidat du changement de système » et d’un « panafricanisme de gauche », promet de restituer au Sénégal sa souveraineté et renégociera, s’il est élu, les contrats d’exploitation du gaz et du pétrole ainsi que les accords de défense.
Des célébrations dans les rues de Dakar
La sortie de la prison du cap Manuel, énième rebondissement de la saga Sonko, injecte un nouveau réactif aux effets inconnus dans la campagne électorale en cours. Le pouvoir d’entraînement communément prêté à Ousmane Sonko et sa popularité auprès des jeunes sont susceptibles d’influencer les dynamiques.
Avant même la sortie de prison, dont la nouvelle s’est propagée comme une traînée de poudre sur les réseaux sociaux, des foules de Dakarois sont descendus dans les rues pour célébrer, chanter et danser. Voitures et piétons agitant des drapeaux sénégalais ont investi la route d’accès à la prison du cap Manuel, au Sud de la capitale, où les deux opposants étaient détenus. « Gnoune Sonko lanou beug » (« Nous, c’est Sonko que nous aimons »), ont scandé leurs supporters en ouolof près de la prison.
Une foule compacte s’est pressée à proximité du domicile d’Ousmane Sonko, dans un autre quartier de la capitale à quelques kilomètres. « C’est de la joie. C’est incroyable. Ils ont libéré Ousmane Sonko ! », exultait Mamadou Mballo Mané, 31 ans.
Bassirou Diomaye Faye, un des favoris de la présidentielle
Ousmane Sonko, 49 ans, fondateur et président du parti « Pastef », était détenu depuis le 28 juillet 2023. Cette plateforme décline les thèmes du discours caractéristique d’Ousmane Sonko, qui, avec ses diatribes contre corruption publique, les élites, les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française, ont fait le succès du « Pastef ». Son arrestation parachevait plus de deux ans de rapport de force avec le gouvernement et la justice, qui a donné lieu à différents épisodes de heurts, de pillages et de saccages.
La libération d’Ousmane Sonko et de Bassirou Diomaye Faye, qui incarnent pour beaucoup la rupture avec la présidence Macky Sall et des années économiquement éprouvantes, était anticipée comme un événement majeur depuis plusieurs jours après l’adoption, le 6 mars dernier, d’une loi d’amnistie votée à l’instigation du président Macky Sall. Le Sénégal traversait alors une grave crise provoquée par le report de la présidentielle et le chef de l’État disait rechercher l’apaisement autour de l’élection, après trois années d’agitation politique. On ignore si Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye ont été relâchés en vertu de la loi d’amnistie. Mais leur libération coïncide avec les délais de mise en application de la loi.
Ousmane Sonko a endossé la candidature de son numéro deux, Bassirou Diomaye Faye. Le secrétaire général du « Pastef » était lui-même détenu depuis avril 2023. Il a été inculpé d’outrage à magistrat, diffamation et actes de nature à compromettre la paix publique, selon un de ses avocats, après la diffusion d’un message critique contre la justice dans le dossier Sonko. Bien que beaucoup moins populaire, Bassirou Diomaye Faye, bénéficiant de l’effet Sonko, passe pour l’un des favoris de la présidentielle la plus ouverte depuis l’Indépendance en 1960.
Son camp a fait campagne sous le mot d’ordre : « Ousmane mooy Diomaye » (« Ousmane, c’est Diomaye » en ouolof). Il réclamait la libération de Bassirou Diomaye Faye au nom de l’égalité des chances entre candidats. Bassirou Diomaye Faye a été empêché jusqu’alors d’enregistrer ses messages de campagne pour la télévision publique, à la différence des autres concurrents.
Le programme de Bassirou Diomaye Faye décline les thèmes du discours souverainiste et panafricaniste d’Ousmane Sonko, qui, avec ses diatribes contre « la mafia d’État », les multinationales et l’emprise économique et politique exercée selon lui par l’ancienne puissance coloniale française, ont fait le succès du « Pastef ».
Joseph Kouamé