Les journalistes, qu’ils soient étrangers ou chinois, rencontrent souvent des obstacles dans leur travail, mais ceux des principaux médias d’État sont rarement entravés, les autorités comptant sur leur soutien. (Source : Le Monde).
Une grave explosion vient de se produire à Yanjio, dans le Hebei, à l’Est de Pékin. Arrivée sur le lieu du drame, une journaliste de la chaîne nationale « CCTV », micro en main, décrit les événements : « Nous pouvons constater la présence en nombre des secours, pompiers et policiers qui sont encore en train d’arriver… » mais elle n’a pas l’occasion de terminer. Plusieurs agents s’agitent autour d’elle, « tai weixian le », lui dit un homme, uniforme et casquette noire sur la tête : « c’est trop dangereux », avant de se placer devant la caméra. Le plateau de Pékin revient alors à l’image où l’on voit le visage inquiet de la présentatrice, tandis que son collègue tente de réconforter la reporter : « O.K. Hailin, faites attention à vous. »
Les journalistes étrangers et chinois sont fréquemment entravés dans leur travail et subissent du harcèlement en Chine. Cependant, il est moins courant que cela se produise aux journalistes des grands médias d’État chinois. Le fait que cela se soit produit en direct à la télévision nationale a suscité l’indignation d’une partie du public chinois, qui a été confrontée à la fois au traitement des journalistes par les autorités et à la tentative de dissimulation de la réalité d’un accident ayant fait officiellement sept morts et vingt-sept blessés.
Les réactions ont été nombreuses, tant de la part d’utilisateurs anonymes des réseaux sociaux que de personnalités médiatiques, comme Hu Xijin, chroniqueur très nationaliste. « Temps mondial » dénonçant : « Il s’agit d’un manque de respect du droit du public à l’information et d’une restriction infondée du droit des médias à rapporter les faits. » L’indignation est telle que les autorités locales ont fini par présenter leurs excuses jeudi 14 mars : elles affirment « évacuation rapide » pour justifier les actions de leurs agents, mais regrette les « mauvaises compétences en communication » dont l’attitude “brut et simple” “a suscité l’incompréhension des journalistes”.
Le problème est que l’hostilité des autorités est confirmée par une deuxième vidéo, filmée par une autre journaliste de « China Media Group », la maison mère de « CCTV », évacuée de force avec son équipe.
Changement d’époque
Cette polémique est d’autant plus surprenante que les autorités s’appuient généralement sur les grands médias d’État, plus étroitement contrôlés, pour relayer la version officielle des événements.
Les quelques médias chinois les plus indépendants sont muselés depuis plus de dix ans et les quelques journalistes les plus ambitieux sont empêchés de faire leur travail ou arrêtés.
Les autorités locales sont généralement plus préoccupées par la présence de journalistes étrangers, dont le travail échappe à la censure. «Pour une fois, nous, journalistes, sommes tous égaux. Pas égaux dans notre liberté d’accès à l’information, mais égaux dans l’impossibilité de rapporter les faits », souligne un ancien journaliste de « Nanfang Zhoumo » (l’hebdomadaire du Sud), autrefois réputé pour son indépendance, sur le réseau social « WeChat ».
Didier Maréchal