L’État islamique au Khorasan est une branche régionale affiliée au groupe État islamique (Daesh), reconnu comme une organisation terroriste par de nombreux gouvernements à travers le monde. Son champ d’action se concentre sur l’Afghanistan, l’Iran, le Pakistan et l’Asie centrale. Le groupe a choisi le nom de Khorasan en référence à une région historique qui faisait partie d’un ancien califat islamique couvrant cette zone géographique.
Suite à l’attentat de Moscou de vendredi 22 mars, et à l’élévation du niveau de sécurité au maximum dans le cadre du plan Vigipirate, 4 000 militaires supplémentaires sont déployés en France, en complément des 3 000 déjà mobilisés ces derniers mois dans le cadre de l’ « opération Sentinelle ». La menace provient de cette branche de l’État islamique (Daesh) qui a agi en Russie et a déjà tenté de mener des attaques en France.
L’attentat de Moscou, ayant entraîné au moins 137 décès, a été revendiqué par « l’État islamique au Khorassan », un groupe opérant principalement en Afghanistan, et ayant déjà ciblé la France. Depuis la Guyane ce lundi, Emmanuel Macron a affirmé que cette branche spécifique du groupe « État islamique » était responsable de « plusieurs tentatives » récentes sur le territoire français.
Sa présence a été signalée au moins deux fois sur le territoire français. La première fois en novembre 2022, lorsque sept individus liés à cette branche de Daesh ont été arrêtés, soupçonnés de préparer un attentat à Strasbourg. L’agresseur du pont de Bir-Hakeim, qui a tué un touriste en décembre dernier, était également affilié à cette organisation. Plus généralement, Gabriel Attal exprime des inquiétudes quant à une menace terroriste croissante. Il déclare que deux projets d’attentats djihadistes ont été déjoués depuis le début de l’année 2024. Le premier le 10 janvier, impliquant un individu de 22 ans projetant d’attaquer une boîte de nuit « LGBT ». Le second, le 5 mars, visait une église et impliquait un homme de 62 ans.
Une menace à prendre au sérieux selon le général Olivier de Bavinchove, ancien chef d’état-major de la force internationale de l’OTAN et ancien commandant des forces françaises en Afghanistan : “L’État islamique au Khorassan, c’est une menace extrêmement dangereuse sur le sol français. Ils ont une idéologie mortifère, ils mènent un combat qui est mondial, ils n’ont pas de limites de temps et ils sont capables de mobiliser plusieurs milliers de combattants organisés en commando capables d’organiser des coups similaires à celui que nous avons observé à Moscou il y a deux jours. Cette idéologie peut frapper partout où elle le peut, de façon à porter des coups toujours extrêmement meurtriers en faveur de l’établissement d’un califat islamique mondial”.
Selon les Nations Unies, l’EI au Khorassan compte 4.000 à 6.000 combattants, des troupes qui ont doublé en cinq ans. Khorassan, c’est le nom d’une région historique en Asie centrale. « Là-bas, c’est facile d’avoir de l’armement, et on oublie souvent que l’Etat islamique a beaucoup recruté dans les anciennes républiques soviétiques, expliquait Wassim Nasr sur RMC ce lundi. Il y a 12 ans, j’avais travaillé sur le djihad familial. C’étaient des familles entières, des clans entiers, qui avaient quitté ces pays-là pour aller vivre en Syrie sous le règne de l’Etat islamique. »
« Il y a plusieurs attentats qui ont été déjoués avec des ressortissants de ces mêmes anciennes républiques soviétiques, qui ont été missionnés par cette branche de l’Etat islamique qui est basée en Afghanistan, selon Wassim Nasr. C’est cette branche-là qui a aujourd’hui les capacités de missionner des gens pour faire des attentats en Europe, en Russie, mais pas seulement. Le dernier grand attentat en Iran, c’était eux aussi. »
L’État islamique au Khorasan a été établi il y a neuf ans, mais ces derniers mois, il est devenu la branche la plus redoutable du groupe État islamique, caractérisée par sa portée étendue et sa réputation de brutalité et de cruauté extrêmes. Avec ce qui reste de la direction centrale du groupe en Syrie et en Irak, l’État islamique au Khorasan vise à établir un califat islamique transnational régi par une interprétation extrêmement stricte de la « charia », la loi islamique. En Afghanistan, il mène une insurrection sporadique mais toujours meurtrière contre les dirigeants du pays, les taliban, qu’il s’oppose pour des motifs idéologiques.
En 2021, il a ciblé l’évacuation chaotique de l’aéroport de Kaboul avec un attentat-suicide, tuant 170 Afghans et 13 militaires états-uniens. L’année suivante, il a pris pour cible l’ambassade de Russie à Kaboul, tuant au moins six personnes et en blessant d’autres. Le groupe a mené des attaques aveugles contre une maternité, des gares routières et des policiers. En janvier de cette année, l’État islamique au Khorasan a perpétré un double attentat à la bombe contre un sanctuaire à Kerman, en Iran, tuant près de 100 Iraniens. En Russie, il a perpétré de nombreux attentats de petite envergure, le plus récent ayant eu lieu en 2020. Cette année déjà, le FSB, le service de sécurité intérieure russe, a déclaré avoir mis fin à plusieurs complots terroristes.
Qui sont les auteurs des attentats de Moscou ?
Selon les médias d’État russes, les quatre hommes capturés et inculpés sont tous des Tadjiks originaires de la république du Tadjikistan, en Asie Centrale, qui faisait autrefois partie de l’Union Soviétique.
Selon certaines informations, l’un des hommes aurait été vu en train de surveiller le lieu au début du mois de mars, à peu près au moment où les États-Unis d’Amérique ont averti la Russie qu’il existait une menace imminente d’attentat terroriste dans un espace public – un avertissement que le Kremlin a rejeté à l’époque en le qualifiant de « propagande ».
Un autre rapport indique qu’au moins deux des attaquants sont arrivés en Russie récemment, ce qui laisse supposer qu’il s’agissait d’une « équipe de choc » envoyée par l’État islamique au Khorasan, plutôt que d’une cellule dormante de résidents.
Pourquoi ont-ils ciblé la Russie ?
Il y’a plusieurs raisons.
L’État islamique au Khorasan considère la plupart des pays du monde comme leurs ennemis. La Russie figure en bonne place sur leur liste, tout comme les États-Unis d’Amérique, l’Europe, Israël, les juifs, les chrétiens, les musulmans chiites, les taliban et tous les dirigeants des États à majorité musulmane, qu’ils considèrent comme des « apostats ».
L’hostilité de l’État islamique à l’égard de la Russie remonte aux guerres de Tchétchénie dans les années 1990 et au début des années 2000, lorsque les forces de Moscou ont dévasté Grozny, la capitale tchétchène.
Plus récemment, la Russie est entrée dans la guerre civile syrienne aux côtés de son allié, le président Bachar el-Assad, et l’armée de l’air russe a procédé à d’innombrables bombardements de positions rebelles et civiles qui étaient utilisés comme boucliers humains, tuant un grand nombre de combattants du groupe État islamique et de ceux liés à Al-Qaïda.
En Afghanistan, l’État islamique au Khorasan considère la Russie comme un allié des taliban, raison pour laquelle il a attaqué l’ambassade russe à Kaboul en 2022. Ils sont également rancuniers à l’égard des dix années de présence de l’armée d’Union Soviétique, de 1979 à 1989, qui soutenait le gouvernement laïc et communiste au pouvoir à l’époque, contre ce que la propagande occidentale de la « guerre froide » de l’époque qualifiait de « moudjahidin défendant l’intégrité de leur pays », alors qu’il s’agissait d’un coup d’Etat islamique et que ces fameux « moudjahidin » n’étaient autres que ceux qui ont pris le qualificatif de « taliban » par la suite (« taliban », toujours sans « s » puisqu’étant le pluriel de « talib » qui signifie « étudiant » – sous entendu « étudiant du coran » – ndlr).
Il y a ensuite la situation à l’intérieur même de la Russie.
L’État islamique au Khorasan considère la Russie comme un pays très chrétien et sa vidéo postée après l’attentat de Moscou parle de tuer des chrétiens.
Les travailleurs immigrés tadjiks et d’autres pays d’Asie Centrale font parfois l’objet d’un certain degré de harcèlement et de suspicion de la part du FSB, qui cherche à prévenir les attaques terroristes.
Enfin, la Russie – une nation actuellement distraite par sa guerre à grande échelle avec son voisin l’Ukraine – peut simplement avoir été une cible d’opportunité pour l’État islamique au Khorasan, un endroit où les armes étaient disponibles et où la garde de l’ennemi était baissée – et ce d’autant plus si, comme les pistes des enquêtes actuelles semblent mener, l’Ukraine aurait fait alliance avec eux afin de pouvoir perpétuer un attentat de grande ampleur par terroristes interposés, elle qui a déjà commis plusieurs attentats en Russie ces deux dernières années.
Didier Maréchal & Christian Estevez