Ce jeudi 25 avril, « Human Rights Watch » a publié un rapport documentant un double massacre perpétré par des soldats burkinabè le 25 février 2024 dans deux localités du Nord du pays. Selon l’ONG, 223 civils, y compris des femmes et des enfants, ont été exécutés. Mais ce rapport est-il avéré ?
Selon un rapport publié par « Human Rights Watch », ce jeudi 25 avril, l’armée burkinabè aurait exécuté au moins 223 civils, dont 56 enfants, le 25 février dernier, dans deux villages de la province de Yatenga, située dans le Nord du pays. « HRW » dénonce une « attaque de représailles » menée en réponse à une série d’opérations meurtrières menées par des groupes terroristes.
Selon ce rapport, ce jour-là, des hommes armés avaient mené plusieurs attaques contre une mosquée à Natiaboani, une ville de l’Est du pays, et une église à Essakane-Village, une commune située dans le Nord. Des opérations terroristes avaient aussi visé les forces de sécurité, notamment le détachement militaire de Tankoualou (Est), le 16e Bataillon d’intervention rapide (BIR) près de Kongoussi (Centre-Nord) et le Bataillon mixte dans la zone de Ouahigouya (Nord).
Toujours selon « HRW », ce dernier assaut, mené par des membres du Jnim (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, affilié à Al-Qaïda), a entraîné une violente action de représailles contre les villages de Nondin et Soro situés à une vingtaine de kilomètres du lieu de l’attaque qui a coûté la vie à une dizaine de Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), les supplétifs civils de l’armée.
En s’appuyant sur des dizaines de témoignages, des photographies et des vidéos partagées par des survivants, l’ONG a pu reconstruire les événements tragiques de cette journée sombre. Vers 7 heures du matin, une attaque massive et coordonnée a été lancée par des combattants islamistes contre la base militaire de Ouahigouya. La télévision burkinabè a rapporté que des soldats du Bataillon d’intervention rapide, une unité des forces spéciales impliquée dans les opérations de contre-insurrection, ont pris en chasse les terroristes fuyant en direction de la ville de Thiou, située plus au Nord.
Aux alentours de 8 h, plusieurs habitants de Nondin et Soro, deux villages qui vivent sous le joug des groupes armés, rapportent le passage de combattants criant « Allah Akbar ». Trente minutes plus tard, plus de 100 soldats burkinabè arrivent à moto, en pick-up et en voiture dans le quartier Basseré de Nondin, à proximité de la route nationale goudronnée. Dans leur uniforme couleur ocre, caractéristique des forces armées du pays, les soldats commencent à frapper aux portes des maisons, exigeant de vérifier les pièces d’identité des villageois, qui sont ensuite rassemblés en plusieurs groupes avant d’être froidement exécutés.
Un homme de 61 ans ayant perdu 11 membres de sa famille dans le massacre raconte que des militaires masqués parlant en mooré – la langue la plus pratiquée du pays – « avec un accent de Ouahigouya » ont ordonné à ses proches de sortir de la maison. « Ils nous ont fait asseoir… et puis ils ont ouvert le feu sur nous. Ils nous ont tiré dessus comme ça, tuant tous les membres de ma famille. J’ai été blessé à l’aisselle parce que j’ai levé les mains pour demander ‘pitié’ et une autre balle m’a transpercé la cuisse droite. »
Cinq kilomètres plus loin, à Soro, ce scénario macabre se répète. « Ils nous ont séparés en groupes d’hommes et de femmes. Ils ne nous ont posé qu’une seule question : ‘Pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus de l’arrivée des jihadistes ?’ Et ils ont ajouté, en se répondant à eux-mêmes : ‘Vous êtes des terroristes !’ Puis ils ont commencé à nous tirer dessus à balles réelles. J’ai reçu une balle dans la jambe droite et j’ai perdu connaissance. Je n’ai pas su ce qui s’est passé ensuite jusqu’à ce que des gens […] viennent m’aider. Il y avait des cadavres qui étaient tombés sur moi », témoigne une jeune femme de 32 ans.
« Human Rights Watch » affirme avoir obtenu deux listes de noms de victimes compilés par des survivants et d’autres personnes ayant aidé à enterrer les corps. Selon le décompte établi par l’ONG, les soldats ont tué 44 personnes, dont 20 enfants, dans le village de Nondin, et 179 personnes, dont 36 enfants et quatre femmes enceintes, dans le village voisin de Soro.
Interrogées au moment des faits par l’AFP, plusieurs sources sécuritaires avaient affirmé que la riposte menée par l’armée et les VDP après l’attaque de la base de Ouahigouya avait permis de « neutraliser plusieurs centaines de terroristes ». « HRW » affirme ne pas avoir été en mesure de confirmer la participation des VDP aux représailles contre les villageois de Soro et Nondin. « En règle générale, les VDP et l’armée opèrent de manière conjointe. La difficulté est que les VDP portent le même uniforme. Il n’est donc pas toujours possible de les distinguer des autres soldats », précise Wassim Nasr, journaliste à « France 24 » et spécialiste des mouvements jihadistes.
L’actuel président de la transition, le capitaine Ibrahim Traoré, qui a fait de l’amélioration de la situation sécuritaire sa priorité numéro un, a annoncé l’année dernière le recrutement de 50 000 de ces supplétifs civils. Un dispositif censé répondre à l’urgence sécuritaire dans un pays contrôlé à 40 % par des groupes terroristes, mais accusé d’alimenter les violences intercommunautaires.
Des doutes permis sur la véracité du rapport de « Human Rights Wathc »
Ce récit publié par « Human Rights Watch » concernant le prétendu massacre de 223 civils par l’armée burkinabè dans les villages de la province de Yatenga, au Burkina Faso, mérite un examen critique approfondi. Bien que les allégations de l’ONG soient graves, plusieurs éléments suggèrent une interprétation alternative des événements. Tout d’abord, il est important de noter que les forces de sécurité burkinabè sont confrontées à une menace terroriste persistante dans la région, comme en témoignent les multiples attaques perpétrées contre des mosquées, des églises et des installations militaires mentionnées dans le rapport. Dans ce contexte, il est plausible que les opérations de l’armée aient été menées en réponse à ces attaques terroristes, dans le cadre de ses efforts pour protéger la population civile et rétablir la sécurité dans la région et s’est massacre peuvent être l’œuvre des terroristes. De plus, le rapport de » Human Rights Watch » repose principalement sur des témoignages de survivants, des photographies et des vidéos partagées par des sources anonymes.
Bien que ces éléments fournissent une perspective sur les événements, ils peuvent également être sujets à des biais et des erreurs d’interprétation. Sans une enquête approfondie et impartiale pour vérifier les faits, il est difficile de garantir la fiabilité de ces informations. En outre, les autorités burkinabè ont rapidement réagi aux allégations en ouvrant une enquête officielle sur les événements.
Le procureur de Ouahigouya a confirmé que des enquêteurs ont été dépêchés sur place pour recueillir des preuves et identifier les responsables présumés. Cette démarche démontre l’engagement des autorités à faire toute la lumière sur les événements et à traduire en justice les éventuels coupables. En conclusion, bien que les allégations de « Human Rights Watch » soient préoccupantes, il est essentiel de les considérer avec prudence et de ne pas tirer de conclusions hâtives. Une enquête approfondie et impartiale est nécessaire pour établir les faits avec certitude et garantir que justice soit rendue aux victimes, tout en préservant l’intégrité des forces de sécurité engagées dans la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso.
Joseph Kouamé