Un tribunal spécial soutenu par l’ONU a émis un mandat d’arrêt international à l’encontre de l’ancien président de la République centrafricaine, François Bozizé, dans le cadre d’une enquête sur sa responsabilité présumée dans des crimes contre l’Humanité commis par des militaires dans une prison entre 2009 et 2013.
Aujourd’hui âgé de 77 ans, Bozizé qui avait pris le pouvoir au Centrafrique en 2003 par un coup d’État, avant d’être renversé dix ans plus tard par des rebelles, est actuellement visé par un mandat d’arrêt international émis par un tribunal spécial parrainé par l’ONU. L’annonce a été faite ce mardi 30 avril.
Actuellement à la tête de la principale rébellion en République centrafricaine, l’ancien président réside en exil en Guinée-Bissau depuis mars 2023. Ce tribunal spécial enquête principalement sur sa responsabilité présumée dans des crimes contre l’Humanité commis par des militaires. Le mandat d’arrêt international a été émis le 27 février dernier, précise un communiqué publié ce mardi 30 avril par la Cour Pénale Spéciale (CPS), une juridiction hybride composée de magistrats centrafricains et étrangers basée à Bangui. Cette cour est chargée d’enquêter et de juger les crimes de guerre et contre l’Humanité commis depuis 2003 en République centrafricaine, un pays marqué par une série de guerres civiles et de régimes autoritaires depuis son indépendance de la France en 1960.
Les juges de la CPS ont émis ce mandat dans le cadre d’une instruction sur de possibles crimes contre l’Humanité commis par la Garde présidentielle de François Bozizé, entre février 2009 et mars 2013, dans une prison civile et un centre d’instruction militaire à Bossembélé, situés dans le Centre du pays.
Les juges ont conclu à «l’existence d’indices graves et concordants à charge» de François Bozizé, «de nature à engager sa responsabilité pénale», «en sa qualité de supérieur hiérarchique et chef militaire». Ces crimes présumés, commis dans la prison et le camp militaire de Bossembélé par des éléments de la garde prétorienne du président Bozizé ainsi que «d’autres services de sécurité», concernent notamment des «meurtres», «disparitions forcées», «tortures», «viols» et «autres actes inhumains», selon la Cour Pénale Spéciale créée en 2015 avec le parrainage de l’ONU. L’instance réclame la «coopération de la Guinée-Bissau, par l’entremise d’Interpol» pour «arrêter» et remettre «le suspect» à la CPS en Centrafrique.
Des milliers de civils massacrés
Le renversement de François Bozizé en 2013 par une coalition de rebelles à majorité musulmane, la Séléka, avait déclenché l’une des plus terribles guerres civiles de l’histoire ce pays d’Afrique centrale parmi les plus pauvres du monde, avec des massacres de civils essentiellement. Le président Bozizé avait organisé la création de milices dominées par les chrétiens et les animistes, les anti-balakas, pour tenter de reprendre de pouvoir et des milliers de civils ont été les principales victimes de massacres perpétrés par les deux camps.
L’ONU a accusé en 2018 les ex-Séléka et anti-balaka de nombreux crimes de guerre et contre l’Humanité. Fin 2020, François Bozizé avait pris la tête d’une nouvelle alliance rebelle, la « Coalition des Patriotes pour le Changement » (CPC), qui avait menacé le pouvoir du président Faustin Archange Touadéra avant que l’envoi par Moscou de centaines de paramilitaires de la société privée Wagner ne permette au pouvoir de les repousser loin de Bangui. L’ex-président avait pris le chemin de l’exil, au Tchad voisin, avant la Guinée-Bissau en mars 2023.
François Bozizé a été condamné le 22 septembre 2022 par un tribunal centrafricain aux travaux forcés à perpétuité, notamment pour «complot» et «rébellion» en tant que chef de la CPC. Différents groupes armés, rebelles ou tout simplement prédateurs, poursuivent leur guérilla aujourd’hui en Centrafrique, contre l’armée et les paramilitaires russes, mais les civils sont à nouveau les principales victimes des deux camps accusés de crimes et d’exactions par l’ONU et les ONG internationales.
Joseph Kouamé