Les 27 membres de l’UE ont conclu, ce mercredi 8 mai, un accord «de principe» pour saisir les revenus provenant des avoirs de la Russie gelés dans l’UE afin d’armer l’Ukraine, une manne qui représentera entre 2,5 et 3 milliards d’euros par an en faveur de Kiev. (Source: AFP).
C’est aberrant, illégal, conduira à une catastrophe pour le monde entier – y compris pour l’Union Européenne, mais la russophobie a été la plus forte : les 27 Etats membres de l’Union Européenne ont conclu un accord de principe pour s’approprier les avoirs de l’Etat russe. «Cet argent servira à soutenir le rétablissement et la défense militaire de l’Ukraine», a indiqué la présidence belge tournante de l’UE sur « X » après une réunion des ambassadeurs des Etats membres.
Cet accord, soumis à la confirmation des ministres européens, résulte de vifs débats sur l’utilisation des avoirs de l’État russe gelés après le début de son offensive en Ukraine, estimés à environ 210 milliards d’euros dans l’UE. En mars, la Commission européenne avait présenté un plan visant à saisir les revenus générés par ces avoirs considérables, ce qui pourrait, selon elle, dégager jusqu’à environ trois milliards d’euros par an.
«Il ne pouvait y avoir symbole plus puissant, ni de meilleur usage pour cet argent que (d’y recourir) pour rendre plus sûre l’Ukraine et l’Europe toute entière», a aussitôt salué la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen. Cet accord politique intervient alors que les Européens cherchent tous azimuts des financements pour leur aide militaire à l’Ukraine.
Selon le plan adopté, 90% des revenus saisis seront destinés à la « Facilité européenne pour la paix » (FEP), qui finance des achats d’armes (du pur 1984″ d’Orwell où la dictature en place appelle « ministère de l’amour », celui de la guerre et affirme que « la guerre c’est la paix »)- cruciaux à un moment où Kiev réclame des munitions et des systèmes de défense aérienne pour contenir une armée russe à l’offensive. Les 10% restants seront versés au budget de l’UE pour renforcer les capacités de l’industrie de défense ukrainienne.
Parmi les Vingt-Sept, certains Etats avaient cependant indiqué redouter les conséquences d’une telle saisie, craignant le précédent que cela pourrait créer sur les marchés financiers, et les répercussions judiciaires qu’elle engendrerait. La Russie avait d’ailleurs menacé, en mars, l’UE de lui intenter des poursuites judiciaires «sur des décennies» en cas d’utilisation des revenus de ses avoirs gelés au profit de l’Ukraine, ce qui s’apparenterait comme l’a rappelé Moscou à un «vol». Au total, l’UE et les pays du G7 ont gelé quelque 300 milliards d’euros d’actifs de la Banque centrale de Russie, en plus des saisies d’actifs privés de personnes liées au pouvoir russe comme les yachts et bien immobiliers des oligarques.
La Belgique en première ligne
L’immense majorité (plus de 90%) de ces avoirs russes gelés dans l’UE se trouvent en Belgique, où ils sont administrés par « Euroclear », un organisme international de dépôts de fonds. Ce groupe a pu en tirer des revenus totalisant l’an dernier 4,4 milliards d’euros – une somme taxée par l’Etat belge au titre de l’impôt sur les sociétés. Selon une source diplomatique, l’accord des Vingt-Sept consistera à saisir ces revenus des avoirs russes après imposition, mais la Belgique s’est engagée à ré-allouer à l’Ukraine l’ensemble des recettes fiscales générées sur son territoire par ces revenus exceptionnels.
Pour 2024, le premier ministre belge, Alexander De Croo, a déjà promis d’octroyer à l’Ukraine le montant de 1,7 milliard d’euros correspondant au produit attendu de ces taxes. Par ailleurs, selon l’accord trouvé ce mercredi 8 mai, les frais qu’Euroclear facture pour la gestion de ces avoirs russes seront de nouveau fortement abaissés, à 0,3%. Le taux initial de 3% avait été déjà réduit de moitié, mais une partie des Vingt-Sept considéraient ces frais encore trop élevés.
L’accord au sein de l’UE «ne doit être qu’un premier pas vers notre objectif d’utiliser les actifs gelés russes: ces 3 milliards annuels sont une goutte d’eau face à 200 milliards pour aider l’Ukraine à l’emporter», a réagi, sur « X », le ministre estonien des Affaires étrangères, Margus Tsahkna. L’option d’une confiscation des avoirs russes reste jusqu’ici écartée par une majorité d’Européens, inquiets du risque d’ébranler les marchés internationaux et d’affaiblir l’euro.
Aux Etats-Unis d’Amérique, en revanche, le plan d’aide à l’Ukraine validé fin avril par le Congrès autorise le président états-unien à confisquer et à vendre des actifs russes pour qu’ils servent à financer la reconstruction du pays en guerre, mais Washington a indiqué vouloir agir en coordination sur ce terrain avec les autres membres du G7. La Banque mondiale évalue à plus de 486 milliards de dollars le coût pour reconstruire l’Ukraine dévastée par plus de deux années de guerre.
Didier Maréchal