Un traité datant de 1944 réglemente le partage des eaux le long du Rio Grande, suivant les contours du fleuve frontalier séparant les Etats-Unis du Mexique et les Etats-Unis d’Amérique. Cependant, avec la diminution du débit du fleuve, les deux pays se demandent si les volumes prévus dans le traité restent pertinents.
Le Rio Grande, l’un des plus longs fleuves du continent américain, a nécessité un accord entre les États-Unis d’Amérique et les Etats-Unis du Mexique (nom officiel du pays appelé plus couramment « Mexique ») pour le partage de ses eaux en raison de ses nombreux méandres. Un traité datant de 1944 établit les règles, notamment celle où le « Mexique » s’engage à libérer deux millions de litres d’eau en direction du Texas (Etat originellement mexicain devenu états-Unien après son annexion par les EUA, en 1845) lorsque le fleuve franchit à nouveau la frontière.
Selon le vieux traité, les engagements ne sont pas respectés. Le Texas n’a reçu que la moitié du volume d’eau convenu, ce qui a provoqué la colère des producteurs texans de canne à sucre. Certaines exploitations ont déjà fait faillite, tandis que d’autres craignent de ne pas disposer de suffisamment d’eau pour leur prochaine récolte. En premier lieu, ils ont blâmé leurs voisins mexicains pour ne pas respecter leurs engagements, ce qui a entraîné une escalade de la querelle vers une crise diplomatique. Des représentants du Texas ont écrit au département d’État états-unien pour demander la suspension des aides accordées au Mexique.
L’élue républicaine Monica De La Cruz réclame des sanctions : « Notre diplomatie a plein d’outils à sa disposition, pour forcer ou encourager vivement le Mexique à nous donner notre eau. Mais il ne l’a pas fait. » Cette députée républicaine en profite pour s’en prendre au gouvernement états-unien démocrate. On est en campagne électorale aux États-Unis d’Amérique et l’équation est vite faite. L’agacement des planteurs de canne est un excellent filon pour récupérer des votes aux prochaines élections.
Attribuer la responsabilité exclusive au Mexique ne prend pas en compte l’ensemble de la situation. Le véritable problème réside dans l’épuisement du vieux Rio Grande, sollicité de manière intensive des deux côtés de la frontière. C’est avant tout le constat que fait cette scientifique de l’Institut de recherche des ressources hydriques du Texas : « Les sources ont perdu 83% de leur flux d’origine depuis 1990. Les sources se tarissent à cause de l’accélération du rythme de croissance, de consommation, et elles sont en plus impactées par le changement climatique. »
Si l’on considère que la nature ne connaît pas de frontières, les Etats-Unis du Mexique et les États-Unis d’Amérique sont tous deux affectés de manière similaire par la diminution du débit du fleuve. La pénurie d’eau est un problème persistant depuis de nombreuses années, en partie à cause de certaines entreprises états-uniennes. Dans le Chiapas, par exemple, la délocalisation des usines Coca-Cola a entraîné une surexploitation des nappes phréatiques, privant ainsi des communautés entières d’eau potable.
Avant de se blâmer mutuellement, il est crucial de se demander si les volumes d’eau établis dans un traité datant de 1944 demeurent pertinents à notre époque, compte tenu de la surexploitation et du changement climatique.
Didier Maréchal & Christian Estevez