Le parti de droite souverainiste français « RN » se désolidarise de son allié allemand suite aux déclarations de Maximilian Krah, tête de liste de l’AfD pour les élections européennes, qui a affirmé qu’un membre de la SS « n’est pas automatiquement un criminel ».

Le mardi 21 mai, Jordan Bardella, tête de liste du « Rassemblement National » (RN) pour les élections européennes, a déclaré que son parti ne partagera plus de bancs avec « Alternative pour l’Allemagne » (AfD) au Parlement européen. “L’AfD a franchi des lignes que je considère comme rouges”, a déclaré Jordan Bardella, tête de liste du RN, lors d’un débat électoral sur la chaîne française « LCI ». Il a ajouté que le RN construirait de “nouvelles alliances” après les élections et qu’il chercherait à faire partie du plus grand groupe possible au Parlement européen.

« La Ligue » italienne, un parti nationaliste qualifié « d’extrême droite », dirigé par Matteo Salvini, a également annoncé, mardi, qu’elle rompait avec l’AfD, rapporte le journal gauchiste espagnol « El País ». Les commentaires de la tête de liste de l’AfD pour les élections européennes concernant les SS « ont conduit Marine Le Pen, figure de proue de l’extrême droite française, et Matteo Salvini à la même conclusion », déclare le journal espagnol (qui, comme tout média politiquement orienté du « camp du Bien », fait le raccourci faux mais tellement pratique, de placer les partis souverainistes et/ou nationalistes de droite à l’extrême droite), évoquant « une sorte de cordon sanitaire ».

Dans un entretien au quotidien italien « La Repubblica » publié le week-end dernier, Maximilian Krah a estimé qu’un SS “n’est pas automatiquement un criminel”. “Il faut évaluer la culpabilité au cas par cas. […] Même [le Prix Nobel de littérature] Günter Grass a appartenu à la Waffen-SS.” “Ces propos ont suscité un vif émoi en France [occupée par l’Allemagne nazi de 1940 à 1944], où l’on a estimé qu’ils banalisaient l’ère nazi et les atrocités qui l’ont accompagnée”, explique le média allemand « Deutsche Welle ».

Le RN et l’AfD sont deux des principaux membres du groupe « Identité et Démocratie » (ID) au Parlement européen, avec notamment « la Ligue » (« Lega ») italienne et le « Parti de la liberté » (FPO) autrichien. Le groupe “devrait bénéficier d’un regain de soutien” lors des élections de juin, anticipe le média « progressiste » états-unien « Politico ».

Des “dissensions” entre le RN et l’AfD étaient apparues “bien avant” les déclarations de Maximilian Krah, retrace l »Deutsche Welle ». En novembre, après une réunion secrète des partis de droite nationaliste dans la ville allemande de Potsdam sur la “remigration”, c’est-à-dire l’expulsion massive d’immigrés, Marine Le Pen, qui avait déclaré qu’elle n’était pas d’accord avec ce concept, avait “clairement pris ses distances avec l’AfD”.

Le RN est le parti héritier du Front National, fondé notamment en 1972 par Jean-Marie Le Pen, père de l’actuelle cheffe de file du parti (qui, lui, était, comme son parti, réellement d’extrême droite), et par, aussi bien, d’anciens collaborateurs de l’Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale et l’occupation de la France que part des résistants des toutes premières heures, Le Pen père, condamné pour ses propos antisémites, a été évincé par Le Pen fille, qui a pris ses distances avec ce passé et a fait de son parti la première force d’opposition en France.

Pour le journal espagnol, « El Pais », la décision du RN de ne pas partager les sièges au Parlement européen avec les ultras allemands “ouvre la voie à une alliance avec l’autre grand groupe de la droite nationaliste [les Conservateurs et réformistes européens, ECR], celui [du parti espagnol] « Vox » et de « Fratelli d’Italia », le parti de la cheffe du gouvernement italien Giorgia] Meloni”. “Et elle pourrait faciliter des accords avec la droite modérée, rétive aux ultras allemands, mais moins à Meloni et à ses alliés.”.

Didier Maréchal & Christian Estevez