Lors d’une réunion ce lundi 27 mai, les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont exprimé leur colère face au comportement de la Hongrie, qui bloque de plus en plus souvent les décisions de l’Union Européenne en matière de politique étrangère et empêche toute avancée sur l’aide militaire à l’Ukraine. (Avec « Le Monde » et « Euractiv »).
Ce lundi 27 mai, au moins cinq ministres des affaires étrangères de l’Union Européenne ont durement critiqué leur homologue hongrois, Péter Szijjarto, accusé de bloquer 6,5 milliards d’euros d’aides militaires à l’Ukraine. «L’échange était court, mais intense», confie un ministre au quotidien français « Le Monde ». «Je crois que le ministre hongrois a compris l’exaspération de ses collègues», souligne une autre source qui a assisté à cet «échange pimenté».
Le Conseil des affaires étrangères était censé valider sept textes juridiques qui devaient permettre le déblocage de ce fonds destiné à financer le transfert d’armes vers Kiev. Il n’y est pas parvenu à la suite de l’opposition de la Hongrie. Pourtant, ce fond avait été validé le 18 mars dernier par ces mêmes ministres, et confirmé quelques jours plus tard par les chefs d’Etat, y compris le premier ministre hongrois, Viktor Orban.
Avant les débats, la cheffe de la diplomatie allemande, Annalena Baerbock, en avait appelé « instamment à la Hongrie pour qu’elle permette enfin de nouveau l’aide à l’Ukraine, pour le maintien de la paix ». Son homologue belge, Hadja Lahbib, avait ajouté qu’« on ne peut pas accepter qu’un seul pays, qui a accepté ce montant à la table des chefs d’Etat et de gouvernement [de l’UE] il y a quelques mois, bloque maintenant cette aide cruciale à l’Ukraine ».
« A chaque fois, un nouveau problème apparaît »
Après la réunion, Péter Szijjarto a confirmé, dans une déclaration, avoir subi d’« énormes pressions » au sujet de l’aide à l’Ukraine. « Des collègues allemand, lituanien, irlandais, polonais et autres se sont jetés sur moi sur cette question, mais cela n’a pas réussi à infléchir notre position, a-t-il assuré. Nous continuons à insister sur la nécessité de faire la paix, d’arrêter les tueries insensées et d’empêcher l’escalade de cette guerre, c’est pourquoi nous n’avons pas contribué et ne contribuerons pas au déblocage de 6,5 milliards d’euros supplémentaires pour financer des livraisons d’armes à l’Ukraine. »
Sur cette somme, la Hongrie bloque depuis déjà un an la huitième tranche de 500 millions d’euros de la FEP, ainsi que les deux suivantes du même montant. Ces fonds, disponibles à Bruxelles, auraient dû être utilisés pour compenser les Etats membres qui transfèrent à l’Ukraine des armements. Certains pays, comme la Pologne, attendent ainsi plusieurs centaines de millions d’euros de remboursements.
De plus en plus de capitales commencent à critiquer le comportement de la Hongrie, et non le fait que Budapest n’a « pas encore complètement opposé son veto » à une décision de l’UE sur l’Ukraine. « Nous nous sommes penchés sur la question et environ 41 % des résolutions de l’UE sur l’Ukraine ont été bloquées par la Hongrie », a expliqué le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrelius Landsbergis, à la presse. « La FEP est bloquée, les négociations d’adhésion de l’Ukraine sont prises en otage par la Hongrie — et je pourrais continuer indéfiniment — la déclaration [de l’UE] sur la Géorgie, le [soutien] de la FEP à l’Arménie — fondamentalement, presque toutes nos discussions et les solutions et décisions nécessaires […] sont bloquées par un seul pays », a-t-il poursuivi. « Nous devons commencer à considérer cela comme une approche systématique vis-à-vis de tout effort de l’UE pour jouer un rôle significatif dans les affaires étrangères — et nous devons commencer à en parler », a conclu M. Landsbergis.
Faisant écho à ces critiques, la ministre belge des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de l’UE, a déclaré, lors de son arrivée, lundi : « On ne peut pas accepter qu’un seul pays qui, en plus, a signé en faveur de ce montant il y a quelques mois bloque cette aide cruciale pour l’Ukraine. ». Quant à l’Estonien Margus Tsahkna, il a affirmé : « Chaque fois que nous venons ici, nous devons convaincre la Hongrie de ne pas bloquer des initiatives très importantes ». « C’est maintenant crucial pour l’Ukraine, et aussi pour l’Europe, d’utiliser ces fonds de la FEP. » Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, a lui aussi exprimé son opposition au blocage et son désir d’avancer.
Les discussions sur l’aide militaire de l’UE à l’Ukraine devraient, selon les diplomates de l’UE, se poursuivre lors de la réunion des ministres de la Défense ce mardi 28 mai. Si aucune avancée n’est réalisée, les ambassadeurs de l’UE « se réuniront si nécessaire pour débloquer cette situation très regrettable », a indiqué un autre diplomate de l’UE.
La Hongrie prendra le relais de la Belgique à la tête du Conseil de l’UE le 1er juillet, ce qui inquiète certains. Plusieurs diplomates européens ont déclaré qu’ils considéraient les récents blocages de la Hongrie comme un comportement qui pourrait nécessiter une discussion sur d’éventuels changements à apporter aux processus de prise de décision de l’Union (autrement dit : de violer le principe de Démocratie dans les circonstances qui ne sont pas favorables à la propagande atlantiste).
Didier Maréchal