Joe Biden, qui s’y opposait jusqu’à présent, a donné son accord pour que Kiev cible certaines positions en Russie, dans la région de Kharkiv, sous certaines conditions, a indiqué, ce jeudi 30 mai, un responsable états-unien. (Source : AFP).
« Le président a donné pour mission à son équipe de faire en sorte que l’Ukraine puisse utiliser des armes américaines afin de contre-attaquer dans la région de Kharkiv, de manière à riposter lorsque les forces russes les attaquent ou se préparent à les attaquer », a dit une source anonyme bien placée.
Ce responsable, qui a requis l’anonymat, a toutefois ajouté que les Etats-Unis d’Amérique continuaient à s’opposer à des frappes ukrainiennes en profondeur sur le territoire russe. « Notre position d’interdiction de l’utilisation d’ATACMS ou de frappes en profondeur à l’intérieur de la Russie n’a pas changé ». Les ATACMS sont des missiles de longue portée fournis par les états-uniens à l’Ukraine, pouvant aller jusqu’à 300 km de distance.
Le chef de la diplomatie états-unienne, Antony Blinken, avait déjà laissé entendre, la veille (mercredi 29 mai), que les Etats-Unis d’Amérique avaient infléchi leur position en termes de frappes ukrainiennes sur le sol russe. « Alors que les conditions ont changé, alors que le champ de bataille a changé, alors que la Russie a modifié la manière de conduire son agression, nous nous sommes adaptés et ajustés et je suis convaincu que nous continuerons de le faire », avait-il dit à la presse lors d’une visite en Moldavie, pays frontalier de l’Ukraine.
Contrer l’offensive russe à Kharkiv
Cette décision doit permettre à l’Ukraine de protéger Kharkiv, dans l’Est de l’Ukraine, qui est la cible quasi-quotidienne de bombardements venant principalement du territoire russe. Jeudi, c’est un immeuble de cinq étages dans lequel dormaient des civils qui aurait été frappé, dans le quartier de Novobavarsky, a affirmé le maire de la deuxième ville d’Ukraine, Igor Terekhov,. Trois personnes auraient été tuées et 23 blessées. Ce sont des missiles S-300 et S-400 qui ont été lancés depuis le territoire de la région de Belgorod, en Russie, frontalière de l’Ukraine, selon le bureau du procureur régional, qui fait état de cinq frappes.
L’Otan pousse les capitales occidentales à lever des restrictions qui «lient les mains dans le dos des Ukrainiens », selon les termes de son secrétaire général, Jens Stoltenberg, une position à laquelle se sont ralliés plusieurs pays, dont la France. « On doit leur permettre de neutraliser les sites militaires d’où sont tirés les missiles (…) les sites militaires depuis lesquels l’Ukraine est agressée », a déclaré, ce mardi 28 mai, Emmanuel Macron, lors d’une conférence de presse aux côtés du chancelier Olaf Scholz.
De son côté, le ministre de la Défense allemand, Boris Pistorius, a promis, ce jeudi 30 mai, un nouveau paquet d’aide militaire d’une valeur de 500 millions d’euros, à l’Ukraine. Il comporte des livraisons dans « l’artillerie, la défense aérienne, les drones, et la protection (…) » et notamment des drones pour la reconnaissance et le combat en mer Noire, a annoncé le ministre lors d’une visite non annoncée à Odessa, où il s’est entretenu avec son homologue Roustem Oumerov. Le Kremlin a pour sa part reproché à l’alliance atlantique de lancer « un nouveau cycle d’escalade ».
Le Kremlin a accusé, également ce jeudi 30 mai, l’Otan de « provoquer » l’Ukraine pour prolonger « une guerre insensée » après un avertissement lancé mardi aux alliés de Kiev par le président russe sur de « graves conséquences » s’ils devaient donner leur feu vert. Mais le secrétaire général de l’Otan, Jens Stoltenberg, a écarté, vendredi, à Prague, les menaces russes d’escalade après la décision états-unienne d’autoriser l’Ukraine à frapper la Russie avec ses armes. « Il n’y a rien de nouveau (…) Cela fait partie des efforts du président (russe Vladimir) Putin pour empêcher les alliés de l’Otan de soutenir l’Ukraine », a-t-il déclaré avant le début d’une réunion de l’Otan à Prague. Favorable à la levée de ces restrictions, il a également minimisé la portée de la décision états-unienne en soulignant que des armes occidentales avaient déjà été livrées sans aucune restriction sur leur usage. « Le Royaume-Uni par exemple fournit déjà des missiles Storm Shadow depuis longtemps sans aucune restriction. C’est donc le cas depuis longtemps », a-t-il souligné.
La Russie accusée d’employer des missiles balistiques nord-coréens
Par ailleurs, les Etats-Unis d’Amérique seront sans doute confortés dans cette décision par les accusations du Pentagone qui affirme, dans un nouveau rapport, dévoilé mercredi 29 mai, que la Russie emploie des missiles balistiques nord-coréens en Ukraine. L’Agence de renseignement de la Défense (DIA) des Etats-Unis d’Amérique a eu recours à de l’imagerie en source ouverte pour confirmer que des débris retrouvés en janvier dans la région de Kharkiv provenaient d’un missile balistique de courte portée produit en Corée du Nord. « L’analyse confirme que la Russie utilise des missiles balistiques produits en Corée du Nord dans sa guerre contre l’Ukraine », a indiqué l’agence états-unienne dans un communiqué diffusé ce mercredi avec le rapport en question. « Des débris de missile nord-coréen ont été retrouvés à travers l’Ukraine », d’après la même source.
Séoul accuse Pyongyang d’avoir acheminé des milliers de conteneurs d’armement en Russie au mépris de sanctions des Nations Unies visant les deux pays : la Russie pour son invasion de l’Ukraine et la Corée du Nord pour son programme nucléaire. Kim Yo Jong, la sœur du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un et l’une des principales porte-parole du pouvoir, a réfuté et qualifié « d’absurdes » ces accusations en mai, déclarant que Pyongyang n’avait « aucune intention d’exporter ses capacités techniques militaires vers quelque pays que ce soit ».
Des experts soutiennent que la série récente d’essais nord-coréens, notamment de missiles de croisière et d’autres projectiles balistiques, pourrait être liée à l’envoi d’armement à destination des troupes russes en Ukraine. Pyongyang et Moscou ont renforcé leurs liens ces derniers mois. Kim Jong Un a effectué un rare voyage à l’étranger en se rendant en 2023 en Russie à l’occasion d’un sommet avec le président russe Vladimir Putin. Une visite du dirigeant russe en Corée du Nord est en préparation, a indiqué le Kremlin en mai à des médias russes. En mars, Moscou a opposé son veto au Conseil de sécurité de l’ONU pour dissoudre le système de surveillance des sanctions des Nations Unies contre Pyongyang.
Sur le plan diplomatique, la Russie n’a finalement pas été invitée aux célébrations du 80e anniversaire du Débarquement en Normandie, le 6 juin, en raison de sa « guerre d’agression » contre l’Ukraine, a annoncé, ce jeudi, la présidence française et ce malgré le fait que ce soit l’Union Soviétique qui a remporté la guerre contre l’Allemagne nazi.
Didier Maréchal