En frappant le territoire russe là où il semblait le plus vulnérable, Kiev a réussi un coup d’éclat en prenant le contrôle d’environ 1000 km² dans la région de Koursk. L’armée ukrainienne pourra-t-elle pousser plus loin son avancée ? Cela reste incertain, à moins de prendre le risque d’étirer dangereusement ses lignes d’approvisionnement logistique et de ne pas perdre autant d’armement lourd comme les chars états-uniens Abrams M1A1 SA dont près de la moitié de ceux fournis pas les EUA ont déjà été détruits . (Source : « Zone militaire »)
Pour le Kremlin, reprendre les localités perdues sur son propre territoire ne semble pas être une priorité, l’accent étant mis sur le Donbass, notamment sur la conquête de Prokrovsk, une ville stratégique en tant que nœud ferroviaire et routier crucial pour la logistique ukrainienne. C’est pourquoi l’état-major russe a maintenu ses troupes dans cette région, contrairement à ce que Kiev espérait en lançant son offensive à Koursk.
En agissant ainsi, l’armée ukrainienne a déployé des ressources qui sont désormais manquantes dans le Donbass. Cependant, selon un point de situation publié par le ministère français des Armées, les forces russes ont semblé « marquer un temps d’arrêt » dans la région de Prokrovsk entre le 2 et le 5 septembre derniers. Mais « elles sécurisent leur dispositif en s’étendant au Sud pour y fermer une importante poche et contrôler le principal axe logistique vers Pokrovsk », a-t-il ajouté. Quant à la région de Koursk, le ministère des Armées a parlé d’une « situation stable ».
Cela étant, l’un des problèmes qui va se poser à l’armée ukrainienne sera celui du remplacement des équipements qu’elle a perdus au cours de ces derniers mois. Ainsi en est-il pour les chars.
En effet, si les forces russes peuvent s’appuyer sur leur industrie de l’armement pour compenser leurs pertes de matériels au combat – « Uralvagonzavod » vient de leur livrer un nouveau lot de chars T-90M Proryv -, ce n’est pas le cas de l’armée ukrainienne, qui ne peut compter que sur l’aide occidentale.
Au début de l’année 2023, les partenaires de l’Ukraine se demandaient s’il fallait ou non lui livrer des chars de conception occidentale. Finalement, les réticences de Berlin furent vaincues… et il fut décidé de céder à l’armée ukrainienne des « Leopard 2 » de facture allemande, des « Challenger 2 » britanniques et des « M1A1 Abrams SA » [Situational Awareness] états-uniens.
Selon le site « Oryx », qui documente les pertes [prouvées] des deux belligérants, les chars ukrainien ont depuis connu une attrition importante. Ainsi, sur les 21 « Leopard 2A6 » qu’elle a reçus [18 donnés par l’Allemagne et 3 par le Portugal], 12 ont été détruits ou endommagés et/ou abandonnés. Et 21 « Leopard 2A4 » ont connu le même sort, sur les 40 jusqu’à présent livrés [14 par la Pologne, 8 par le Canada, 8 par la Norvège et 10 par l’Espagne]. Cependant, l’armée ukrainienne pourra les remplacer, Madrid ayant annoncé le don de 19 exemplaires en mars dernier, auxquels viendront s’ajouter les 14 autres que les Pays-Bas et le Danemark ont achetés pour les lui remettre.
Variante suédoise du « Leopard 2 », le « Stridsvagn 122 » a connu l’attrition la plus importante : sur les 10 livrés, 7 ont été détruits / endommagés / abandonnés.
Le cas du « M1A1 Abrams SA » a régulièrement été évoqué ces derniers temps. Pour rappel, les 31 exemplaires livrés à l’armée ukrainienne en septembre 2023 n’ont été engagés que très tardivement au combat. Un premier exemplaire a été perdu en février, lors des combats d’Avdiïvka. Depuis, 13 autres ont connu le même sort, d’après les chiffres compilés par « Oryx ».
En avril, il fut rapporté que l’état-major ukrainien avait décidé de retirer les « M1A1 Abrams » de la ligne de front, à cause de la prolifération des munitions téléopérées [MTO]. Sollicité par l’agence de presse états-unienne « Associated Press », un responsable militaire états-unien expliqua que les Ukrainiens « n’avaient pas adopté les tactiques qui auraient pu rendre les chars [Abrams] plus efficaces », en mettant de côté une « approche interarmes ».
Le « M1A1 Abrams » est « exceptionnellement bien protégé contre les tirs directs provenant d’autres véhicules de combat » mais il « n’a pas été conçu pour être protégé contre les attaques par le haut que l’on voit actuellement [en Ukraine], qu’il s’agisse de missiles guidés antichars, de munitions rôdeuses ou de drones », commenta par la suite le général Geoffrey Norman, responsable du renouvellement des blindés de l’US Army, dans un entretien accordé à « Breaking Defense ».
Pour rappel, le « M1A1 Abrams » est doté d’un blindage réactif M19 ARAT [Abrams Reactive Armor Tiles], auquel des tuiles d’explosif réactif ont été ajoutées.
Enfin, le « Challenger 2 » est, pour le moment, le char qui semble le mieux s’en sortir, avec deux exemplaires perdus sur les 14 livrés. Cependant, on ignore combien ont été effectivement engagés au combat, d’autant plus que leur groupe motopropulseur de 1200 ch n’est pas assez puissant pour leur assurer une mobilité satisfaisante sur les terrains difficiles. « Il reste coincé dans la boue parce qu’il est trop lourd », avait confié un officier ukrainien, en mars dernier. En outre, à l’époque, 50 % d’entre eux étaient opérationnels.
Didier Maréchal